Page précédente Alger et l'Algérie- Charles de GALLAND Retour page Table des matières Chapitre III - Dans le département d'Alger. Page suivante
     
  

A chaque tournant de route, on jouit des différences d'aspects, des changements de coloris suivant les jeux de la lumière et les variétés des décors et suivant les caprices de la végétation. Les hautes murailles se dressent avec leurs crêtes cisaillées, déchiquetées, creusées, délitées. Elles sont tantôt dénudées, avec leurs ossatures compromises par des fissures et des érosions, tantôt parées d'une végétation drue et folle. Surtout, sur la rive droite du côté des Béni-Salah, les chênes-lièges, les chênes mens, les chênes à glands doux, tes micocouliers, les oliviers sauvages, les diss, les lentisques, les plantes grimpantes, les mousses. les lichens et mille petites plantes qui sont l'ornement de notre flore sauvage, poussent, se développent, se multiplient et se confondent en un inextricable fouillis, sur les parois presque verticales, partout où, grâce aux pluies et aux petits ruisselets... la terre végétale s'est glissée, s'est insérée et accumulée, dans les anfractuosités, les corniches et les entablements. Quelques belles cascades, dont l'eau s'éploie en gerbes argentées, viennent compléter le paysage auquel s'ajoute la note alpestre. Au fond, la rivière s'écoule à travers les sables, les galets roulés et arrondis et les éboulis de rochers.

Le Ruisseau des singes est devenu, depuis longtemps, une attraction pour les touristes. Le lieu est plaisant. Un torrent gracieux, avec le bruit de ses eaux vives, anime le paysage. Les singes, que l'on n'inquiète plus, y pullulent. Ils trouvent en abondance tout ce qui est nécessaire à leur alimentation, surtout sur la rive droite de la Chiffa, du côté des Béni-Salah, où la maraude dans les vergers leur procure de franches lippées. Ils se sont si bien habitués au voisinage des hommes qu'ils n'hésitent pas à prélever une dîme sur les tables de l'hôtel du lieu en attendant la venue des étrangers. A ce sujet, je pourrais citer des traits nombreux pour montrer combien ils sont vifs, intelligents et domesticables. Mais ce serait trop long. Les singes sont là chez eux. Il ne faut pas les molester. Ils contribuent à. l'attrait pittoresque du lieu ; sans les singes, le Ruisseau des singes perdrait sa réputation si méritée.

De certains points des gorges de la Chiffa, si l'on a l'âme et le tempérament d'un alpiniste, on peut faire de belles excursions, à partir des gorges, après avoir traversé le pont de l'oued Merdja, chez les Béni-Salah, de race kabyle et d'origine berbère, et chez les Béni-Hanès. Comme chez les Béni-Salah, la végétation est abondante. Les pêchers, les figuiers, les grenadiers, les jujubiers, les orangers, les citronniers, les caroubiers, les vignes grimpantes, avec leurs raisins de teintes rose clair ou jaune ambré, sont l'objet de soins tout particuliers.

En partant de Sidi-Madani, sur la rive gauche de la Chiffa, on peut faire encore une excursion recommandée jusqu'au sommet du Mouzaïa (1.604m.) en passant par Oumfouf. C'est là que, de 1832 à 1842, nos soldats eurent à lutter âprement contre les solides et belliqueux montagnards du Mouzaïa. La descente vers Mouzaïa-les-Mines se fait à travers une vaste forêt.

 
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