Monseigneur est non seulement un
prélat zélé et le vrai pasteur de son troupeau, il est
aussi excellent administrateur : il regarda donc son diocèse,
et comprit combien il serait avantageux de faire cultiver
même la moindre partie de cet immense terrain inculte qui
s'étend jusqu'aux portes d'Alger ; il résolut d'acheter de
ces terres et d'y fonder des orphelinats, de sorte qu'à
mesure que les enfants grandiraient et se fortifieraient, ils
pourraient se livrer aux travaux de l'agriculture, et subvenir
ainsi graduellement aux frais d'entretien des maisons où ils
seraient placés. L'excellent prélat ne perdit pas de temps
à exécuter le projet qu'il avait formé : aussi Dieu a béni
son œuvre d'une manière si extraordinaire, qu'on a de la
peine à croire qu'elle ne date que de si peu d'années.
Le premier orphelinat que je visitai, fût celui de Saint-Charles,
situé dans les montagnes au delà de Birmandraïs, à deux
lieues environ de la ville. Mlle de Saint-Paulet, fille du
marquis de ce nom ; avait quêté en Angleterre pour cette
maison, qui abrite trois ou quatre cents petites filles
arabes, principalement employées aux travaux agricoles, sous
la direction des sœurs de Saint-Charles. On leur fait la
classe deux ou trois heures par jour, pour leur apprendre la
lecture, l'écriture, la couture. Naturellement l'instruction
religieuse marche en première ligne ; mais la plus grande
partie de leur temps est consacrée à cultiver les vignobles
et les jardins, aux soins de la laiterie et aux travaux de la
ferme. Elles sont formées à ces occupations par un nouvel
ordre religieux d'hommes et de femmes, institué par Mgr
Lavigerie et nommé les frères et les sœurs de Geronimo, en
l'honneur du martyr d'Alger. Les religieux des deux sexes
portent le costume arabe, et se consacrent entièrement à
l'éducation des enfants ; ils leur enseignent non seulement
tout ce qui tient à l'agriculture, mais aussi les arts
industriels. Mlle Anna Fabre la Maurelle (fille de l'amiral),
une vraie sainte, se dévoue sans relâche à cet orphelinat,
qui est extrêmement pauvre et dont elle s'est constituée le
principal soutien. Comme je manifestais mon étonnement de
voir des filles travailler à la terre, on m'expliqua qu'on
n'envoyait précisément à Saint-Charles que celles dont la
mauvaise santé et le sang vicié rendaient absolument
nécessaire la vie au grand air ; et il me fut
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