Avant d'en finir avec ce sujet si
intéressant, je ne dois pas passer sous silence l'orphelinat
fondé près de la Kasbah par Mme la maréchale de Mac-Mahon
et entretenu presque entièrement à ses frais. Ce sont aussi
des filles de Saint-Vincent-de-Paul qui dirigent cet
établissement. La sœur Pauline, supérieure, est une
personne charmante, très intelligente et extrêmement aimée
des Arabes, dont elle parle parfaitement la langue ; elle les
visite quand ils sont malades et dans toutes les circonstances
: aussi ils se mettraient en quatre pour lui faire plaisir ou
lui rendre service. Il y a un externat attaché à cet
orphelinat ; mais les pauvres sœurs ont la douleur de ne
pouvoir donner aucune instruction religieuse aux enfants qui
le fréquentent (le gouvernement ne le permet pas) ; elles
sont forcées de se borner à leur inculquer la morale et à
faire tout leur possible pour les préserver du triste sort
qui leur est trop souvent réservé au sein de leurs propres
familles. Les sœurs usent même de tous leurs moyens pour
faire contracter à ces jeunes filles des mariages honnêtes
dès l'âge de quatorze à quinze ans, de sorte qu'en
réalité elles font beaucoup de bien, quoique ce ne soit pas
précisément de la façon le plus en harmonie avec leurs
sentiments.
J'en viens maintenant à la partie
la plus importante de l'œuvre de Monseigneur, c'est-à-dire
à l'établissement et à l'éducation des garçons arabes.
Dans ce but, il acheta mille cinq cents arpents de terre près
de la Maison-Carrée, première station du chemin de fer
d'Alger à Blidah ; il y installa d'abord sept cents, puis
huit cents orphelins, qu'il confia aux pères et aux frères
de Geronimo, et il obtint bientôt des résultats merveilleux.
C'était, selon toute apparence, une tâche désespérée que
celle de défricher ce sol aride et sablonneux qui s'étend
jusqu'à la plage, et de faire disparaître les fourrés
épais de palmiers nains et de scilles marines, dont la racine
est aussi grosse que la tête d'un enfant : ils sont cependant
parvenus à cultiver cette immense étendue de terrain, que
j'appellerai les Landes de l'Algérie, et à lui donner
l'aspect d'un magnifique jardin potager.
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