landes ; et, pendant des heures
entières, la route, d'une uniformité désespérante, n'offre
aux regards aucune autre sorte de végétation ; puis, un
coude du chemin et auprès d'une immense croix de bois, le
paysage prend un autre caractère. De vastes plaines couvertes
de récoltes superbes, de beaux vignobles, des figuiers
touffus, des prairies plantées de géraniums odorants (que
l'on cultive pour en faire des essences), vinrent réjouir
notre vue. Un peu plus loin, nous rencontrâmes des troupeaux
de bétail et de porcs qui paissaient sous la garde de pâtres
silencieux. Bientôt nous nous trouvâmes devant un enclos
d'une cinquantaine d'arpents, qui renferme le monastère, le
cimetière, l'orangerie et les jardins privés des trappistes,
dans lesquels il n'est permis à aucune femme d'entrer sans la
permission du Souverain pontife. Les palmiers de la cour et
l'avenue de cyprès qui conduit au cimetière des pères se
voyaient de l'extérieur.
Lorsqu'en 1830 les Français débarquèrent au cap Sidi-Ferruch,
l'armée mahométane était campée à Staouëli. Une bataille
y fut livrée, qui se termina en faveur des Français et
décida du sort de l'Algérie. Treize ans plus tard, mille
arpents de cette terre déserte et stérile furent concédés
aux trappistes ; et, le 19 août 1843, la petite colonie
arriva conduite par son supérieur, le révérend père
François-Régis (un saint religieux), qui fit dresser une
tente au milieu de ce désert, et y célébra pour la
première fois le saint sacrifice pour le repos de l'âme de
ceux qui avaient péri dans ce combat.
Qui eût pu croire, en voyant ces colons d'un nouveau
genre, si dénués des biens de la terre qu'ils viendraient à
bout de la tâche difficile et pénible de défricher ces
landes et de les rendre propres à la culture?
Mais que ne peut la charité aidée du travail sanctifié
par la prière? Le supérieur était un homme à la hauteur de
l'entreprise : et, au bout de trois ans, le désert se
trouvait transformé comme par enchantement en cette
magnifique propriété que nous venions
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