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Le père abbé nous reçut sous le porche, et nous conduisit dans une petite hôtellerie destinée à recevoir les pèlerins, en nous faisant mille excuses de ce qu'il lui était impossible de nous faire franchir la clôture. Mais il fit ouvrir le grand portail, pour nous laisser admirer le palmier planté au milieu de la cour, qui passe pour être le plus beau de toute l'Algérie, et qui abrite sous son ombre une gracieuse statue de Notre-Dame de Staouëli. Il nous fit un exposé très intéressant de leur œuvre, qui prend chaque jour de nouveaux développements. Outre les cent dix religieux de chœur, il y a un assez grand nombre de frères convers ; ils emploient aussi environ cent soixante-dix Arabes, Français et Espagnols indigents, aux travaux agricoles ; quelques-uns même sont des prisonniers arabes envoyés par le gouvernement pour finir leur temps, lorsqu'ils ont fait preuve de bonne conduite en prison. Nous avions apporté de quoi déjeuner, au grand chagrin du père abbé, qui avait déjà commandé du poisson, des omelettes et du fromage pour notre repas. Mais ce fut notre courrier qui fit une drôle de grimace lorsque, se préparant à nous servir un poulet, il fut arrêté par le frère portier avec la consigne : " Les poulets n'entrent pas ! " Comme c'était un mardi gras, nous trouvâmes la règle un peu dure ; mais le père nous expliqua qu'il n'était jamais permis chez eux d'enfreindre l'observance du maigre, d'un bout de l'année à l'autre, et que, si des étrangers laissaient par hasard des débris de viande, cela pourrait donner lieu à des abus. Il nous dédommagea de cette privation en nous apportant du pain et du beurre excellents, du café, des oranges et du vin de leur cru, le plus exquis que j'aie jamais bu de ma vie. Les trappistes ont un usage très touchant : lorsque des étrangers (riches on pauvres) viennent leur demander l'hospitalité, ils se prosternent en terre devant eux, comme pour reconnaître en leur personne celle de notre divin Sauveur. Il se présente chaque année un assez grand nombre de postulants, parmi lesquels il n'est pas rare de rencontrer d'anciens zouaves : les uns s'en vont, les antres demeurent ; on ne refuse jamais personne : c'est au temps à faire son oeuvre et à éprouver la vocation de ces aspirants à la vie religieuse. Le silence le plus rigoureux est observé dans la clôture ; le supérieur seul en est dispensé. 
    

 

   
Les occupations journalières de chaque moine sont inscrites sur un tableau suspendu sous le cloître, où ils se rendent tous après la messe et l'office. Malgré leur vie austère, ces religieux me parurent en général jouir d'une bonne santé.
 
Le père supérieur de la trappe de Staouëli.
 

Les vieillards et les infirmes fabriquent des rosaires de cauris, qu'on vend au profit des pauvres qui se pressent aux grilles du monastère. N'est-ce pas extraordinaire que les seuls efforts vraiment sérieux faits pour cultiver les environs d'Alger soient dus à l'initiative du clergé régulier et séculier? Et les résultats merveilleux obtenus à Staouëli et à la Maison-Carrée par des 

 
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