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et sauta sur un vaisseau qui venait de lever l'ancre et partait pour Oran. Le jeune Maure avait pour suivi la levrette sur le pont, et l'avait reconnue comme l'animal favori du saint : il se cacha donc en toute hâte parmi les marchandises, et arriva sain et sauf dans sa patrie. La levrette retourna chez son maître auprès de ses petits ; et l'heureuse mère raconta, en pleurant de joie, comment son fils lui avait été rendu, grâce aux prières du saint et à l'intelligence de la chienne.

Quant à moi, qui suis fermement convaincue que le chien a quelque chose de plus que de l'instinct, après avoir fait la part de l'exagération d'un récit oriental, cette histoire ne me parait pas aussi invraisemblable qu'elle en a l'air.

Il y a une jolie excursion à faire d'Oran au fort de " Santa-Cruz ", situé sur le point culminant d'une montagne, d'où il domine la ville, les environs et le rivage, de sorte que, par un temps serein, l'on distingue parfaitement Carthagène et les côtes d'Espagne. Ce magnifique panorama nous dédommagea amplement des fatigues de l'ascension. En descendant, nous nous arrêtâmes auprès d'une petite chapelle construite en 1849 pour accomplir un vœu de reconnaissance envers Dieu de la cessation du choléra. Depuis cette époque, elle n'a cessé d'être un lieu de pèlerinage très fréquenté.

Le lendemain nous fîmes une partie champêtre à Mers-el-Kébir, ancienne forteresse construite par les Maures pendant leur occupation de l'Espagne, et qui leur servait alors d'entrepôt de commerce avec l'Europe. Cette forteresse était devenue un véritable nid de corsaires : les Français s'en sont emparés, et l'ont transformée en prison militaire.

Après avoir traversé un tunnel, dont la voûte était tapissée de coquillages bivalves fossiles, nous suivîmes une route récemment construite par les ingénieurs français tout autour du golfe, et nous 

    

 

   
arrivâmes aux sources thermales de la princesse Jeanne, fille de la reine Isabelle de Castille et mère de Charles-Quint.

Les Arabes qui ont des maladies de peau, viennent se baigner ici, et les habitants d'Oran fréquentent beaucoup ces eaux en été. Un sentier de chênes conduit à une grotte creusée dans une roche de quartz, d'où la source jaillit et coule dans un bassin à raison de plus de 300 litres par minute. L'eau, claire et limpide, est légèrement salée. Il y a plus bas un tout petit établissement, qui comprend huit ou dix petits cabinets de bains, des salles de douches, et le tout bien tenu. Dans l'intérêt des hommes de l'art ; je donne ici l'analyse de ces eaux, faite par le docteur Bertrand, qui les considère comme souveraines pour la guérison des rhumatismes.

 
Eau . . . . . .  1.000  grammes.
Chlorure de soude . . . . . . 5.256       ---
Chlorure de magnésie . . . . . . 4.017       ---
Sulfate de magnésie . . . . . . 420       ---
Carbonate de chaux . . . . . . 1.078       ---
Silex . . . . . . 809       ---

12.580  grammes.
 
Des thermes de la princesse Jeanne nous nous rendîmes au joli petit village maritime de Saint-André, dont toute la population était occupée en ce moment à amener sur la plage un immense filet plein de sardines. Un banc de ces poissons venait d'être signalé à l'entrée du golfe : aussi, hommes, femmes, enfants, s'agitaient, criaient, tiraient les cordes, sautaient dans l'eau jusqu'à mi-jambes, enfin ne se possédaient pas de joie. Ces pêcheurs portaient des jupes jaunes plissées et des bonnets rouges, d'une si belle nuance, que Mary avait une envie démesurée d'en acheter sur-le-champ.

Dix minutes après avoir quitté Saint-André, la voiture noire déposa au pied de l'antique forteresse, construite sur un bras de terre qui s'avance dans la mer comme une jetée naturelle.

 
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