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A l'entrée on voit une fontaine mauresque, sur montée des armes de Ferdinand le Catholique ; sur le portail et les tours, de nombreuses inscriptions en latin et en espagnol rappellent les noms des souverains et des gouverneurs qui ont occupé cette forteresse au seizième et au dix-septième siècle. Mers-el-Kébir, le Portus divinus des Romains, est tombé successivement entre les mains de tous les conquérants de l'Afrique septentrionale : aussi offre-t-il un mélange des styles les plus divers, romain, mauresque, espagnol ; aujourd'hui ce n'est plus qu'un édifice moderne à la française. Un officier du génie, nous fit visiter le fort de fond en comble, sans oublier la prison militaire.
 
Campement au pied de la forteresse.
 
Les détenus y passent, de deux à cinq ans. On leur permet pour toute récréation une promenade sur le bastion qui donne sur la mer. Il me fut impossible d'éveiller quelques sentiments de pitié pour les pauvres prisonniers dans le cœur de notre guide, dont l'austère devise était : " La discipline avant tout. " Cet officier était tout fier de sa forteresse. En nous montrant la mer immense, du haut de la tour du télégraphe, il s'écria : " Ah! ces gredins de Prussiens! qu'ils montrent seulement leur nez à l'horizon! " et il nous désignait du doigt les énormes canons qui avaient l'air de 
    

 

   
dormir dans leurs embrasures. La croyance que les Prussiens essayeraient de s'emparer de l'Algérie, était universelle dans l'armée d'Afrique. Pour ne pas froisser les sentiments de notre guide, nous le laissâmes dire ; d'ailleurs, rien n'eût pu ébranler sa confiance dans le succès de ses batteries. Nous le remerciâmes de son obligeance ; à quoi il répondit, en nous faisant le salut militaire, qu'il était plus que récompensé par l'honneur qu'il avait eu de nous accompagner.

Le lendemain nous nous disposâmes à aller présenter nos hommages à Mgr Callot, pour lequel on m'avait donné une lettre d'introduction. Chemin faisant, nous rencon trâmes une religieuse qui se rendait auprès de l'évèque d'Oran pour affaires, et nous lui donnâmes une place dans notre voiture. La maison de campagne du prélat est d'une simplicité extrême ; sa chapelle est si exiguë, qu'elle peut à peine contenir son modeste personnel ; en revanche, il a un jardin magnifique, dans lequel il nous montra une statue de Notre-Dame de Fourvière, d'un travail admirable, qu'il avait rapportée de Lyon, sa ville natale.

Monseigneur nous fit un récit navrant de la famine qui avait sévi parmi les Arabes trois ans auparavant (1867), et qui avait décimé la population d'Oran. Plus tard, à Alger ; on nous donna des détails terribles sur ce fléau. Comme cela arrive presque toujours, les fièvres avaient succédé à la famine, et la mortalité était devenue effrayante. Le bon évêque avait fait dresser des tentes dans la plaine de Mers-el-Kébir ; et là, assisté de quatre ou cinq membres de son clergé, il soignait les malades, distribuait des vivres, veillait auprès des agonisants et des défunts, que l'on comptait par milliers. C'était affreux, nous disait Monseigneur, de voir de pauvres petits enfants se disputer avec acharnement les quelques grains d'avoine tombés du sac qui contenait la provision destinée à son cheval. Un des prêtres attachés à Mgr Callot mourut victime de son dévouement. Quant aux orphelins, qui n'étaient que trop nombreux, hélas ! Monseigneur les confia aux soins des religieuses établies à Misserghin, premier relais entre Oran et Tlemcen.

 
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