dormir dans leurs embrasures. La
croyance que les Prussiens essayeraient de s'emparer de
l'Algérie, était universelle dans l'armée d'Afrique. Pour
ne pas froisser les sentiments de notre guide, nous le
laissâmes dire ; d'ailleurs, rien n'eût pu ébranler sa
confiance dans le succès de ses batteries. Nous le
remerciâmes de son obligeance ; à quoi il répondit, en nous
faisant le salut militaire, qu'il était plus que récompensé
par l'honneur qu'il avait eu de nous accompagner.
Le lendemain nous nous disposâmes à aller présenter nos
hommages à Mgr Callot, pour lequel on m'avait donné une
lettre d'introduction. Chemin faisant, nous rencon trâmes une
religieuse qui se rendait auprès de l'évèque d'Oran pour
affaires, et nous lui donnâmes une place dans notre voiture.
La maison de campagne du prélat est d'une simplicité
extrême ; sa chapelle est si exiguë, qu'elle peut à peine
contenir son modeste personnel ; en revanche, il a un jardin
magnifique, dans lequel il nous montra une statue de
Notre-Dame de Fourvière, d'un travail admirable, qu'il avait
rapportée de Lyon, sa ville natale.
Monseigneur nous fit un récit navrant de la famine qui
avait sévi parmi les Arabes trois ans auparavant (1867), et
qui avait décimé la population d'Oran. Plus tard, à Alger ;
on nous donna des détails terribles sur ce fléau. Comme cela
arrive presque toujours, les fièvres avaient succédé à la
famine, et la mortalité était devenue effrayante. Le bon
évêque avait fait dresser des tentes dans la plaine de
Mers-el-Kébir ; et là, assisté de quatre ou cinq membres de
son clergé, il soignait les malades, distribuait des vivres,
veillait auprès des agonisants et des défunts, que l'on
comptait par milliers. C'était affreux, nous disait
Monseigneur, de voir de pauvres petits enfants se disputer
avec acharnement les quelques grains d'avoine tombés du sac
qui contenait la provision destinée à son cheval. Un des
prêtres attachés à Mgr Callot mourut victime de son
dévouement. Quant aux orphelins, qui n'étaient que trop
nombreux, hélas ! Monseigneur les confia aux soins des
religieuses établies à Misserghin, premier relais entre Oran
et Tlemcen.
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