A l'hôtel de France, on
nous installa dans deux drôles de petites chambres, qui
n'étaient accessibles que par un escalier extérieur. Elles
étaient occupées par un officier français, que le
propriétaire de l'hôtel déposséda sans cérémonie, en
notre faveur : aussi, au bout de quelques minutes,
l'ordonnance vint très humblement me réclamer " le
sabre et les bottes de Mr. le capitaine", qui se
trouvaient, à mon insu, être en ma possession.
Le consul d'Oran nous avait donné des lettres de
recommandation pour les notabilités de Tlemcen. Après avoir
secoué la poussière du voyage, nous louâmes une petite
voiture pour visiter les environs, et, en premier lieu, la
villa de M. Guès, située dans un bois d'orangers semblables
à ceux de Sidon, en Syrie. Malheureusement, M. Guès
souffrait d'une attaque de goutte, qui l'empêcha de nous
faire les honneurs de sa propriété ; il nous envoya son
domestique pour nous servir de guide et d'interprète, et
troussa la courtoisie jusqu'à se traîner dans son jardin,
pour nous cueillir lui-même un bouquet magnifique de roses et
de violettes de Parme; il regrettait beaucoup que la saison ne
fût pas plus avancée, pour pouvoir nous offrir des fleurs
rares qui font l'ornement de sa belle propriété.
Notre guide arabe, s'étant placé auprès du cocher, lui
indiqua le village d'El-Eubbad ou Sidi-bou-Meddin, dont le
gracieux minaret avait attiré nos regards. Pour y arriver,
nous traversâmes le cimetière arabe et une rangée de
bosquets d'oliviers, qui me rappelaient tout à fait ceux de
Menton. Nous descendîmes de voiture et nous gravîmes une rue
déserte et escarpée, bordée de gourbis, qui nous conduisit
devant une porte en bois ornée d'arabesques, par laquelle
nous entrâmes sous un portique carré, pavé "
d'azulejos ", qui donnait accès à droite dans la
mosquée, et à gauche au tombeau du saint Sidi-bou-Meddin. On
descend par quelques marches dans une cour extérieure (dans
le genre de celles qu'on appelle " patio " en
Espagne), entourée d'arcades reposant sur des colonnes d'onyx
et d'albâtre oriental.
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