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sur un des immenses piliers qui
gisent parmi les ruines, et que nous contemplions le panorama
grandiose qui s'étendait devant nous. C'était, au nord, la
Méditerranée aux flots d'azur et les rochers de Cherchell,
qui s'avancent dans la mer ; au sud, la belle plaine de la
Mitidjah, bornée par la chaîne de l'Atlas, tandis qu'une
brume légère, s'élevant du lac Halloula par-dessus les
arbres qui ombragent ses rives, donnait à cette scène cet
aspect voilé et indécis qui fait ordinairement défaut aux
paysages algériens. |
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Nous étions récompensées de notre
peine par ce beau spectacle ; mais lorsque nous rentrâmes le
soir à Koléah, nous étions tellement brisées de fatigue,
que nous n'eûmes pas le courage de trouver à redire à
l'organisation par trop primitive de la petite auberge. Il
faut d'ailleurs rendre, justice à qui de droit : en Algérie,
les lits sont toujours bons et propres, et, ils ne sont pas
habités. Nous voudrions pouvoir en dire autant de l'Espagne
et de l'Italie.
Le lendemain matin, je me rendis à
la jolie petite église bâtie auprès du jardin botanique, et
j'y trouvai des sœurs de la Doctrine chrétienne, qui ont une
belle école à côté. A sept heures, nous repartions pour
Cherchell, faisant une halte pour déjeuner à Marengo,
charmant village situé à l'extrémité occidentale de la
plaine de la Mitidjah et au pied des montagnes de Beni-Menacer. |
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Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul
y dirigent un immense établissement l'hôpital civil (qui
contenait alors quatre-vingt-dix malades atteints de fièvres
et des infirmes), un orphelinat, une maternité, l'hôpital
arabe, les écoles communales et les salles d'asile. Ces
bonnes sœurs, qui sont au nombre de neuf, nous firent
l'accueil le plus aimable : elles nous servirent à déjeuner
du beurre qu'elles venaient de battre (elles ont une belle
vacherie), luxe très rare dans ce pays, et nous cueillirent
les plus jolies fleurs de leur jardin. Nous apprîmes que les
plaines et les bois voisins étaient infectés de fièvres, et
que leur hôpital n'avait plus un lit de vacant ; et ce serait
encore bien plus terrible en été! " Et vous, ma sœur,
" demandai-je à la supérieure (une femme charmante),
" n'avez-vous pas peur? " -" De quoi aurions-nous
peur? " me répondit-elle simplement. " Jusqu'à
présent aucune de nos sœurs n'est morte, bien que l'une
d'elles ait été dangereusement malade : aussi je l'ai
envoyée à Alger pour changer d'air. Mais si le bon Dieu
voulait nous prendre, nous sommes toutes prêtes ; nous irions
seulement un peu plus tôt dans la demeure de notre Père
céleste. " Il était impossible de ne pas envier cette
disposition sereine et généreuse d'une âme aussi prête à
vivre et à travailler qu'à mourir, selon le bon plaisir de
Dieu, sans se préoccuper de la moindre chose, sauf de
l'accomplissement de sa sainte volonté.
A partir de Marengo, le paysage devient de plus en plus
agréable : on se dirait dans un parc anglais et au milieu de
clairières pratiquées dans une belle forêt. Faute d'un
pont, il nous fallut traverser à gué la rivière
Oued-el-Hachem pour arriver à Zurich, petite ville bâtie sur
l'emplacement d'une antique cité romaine. Dès que nous
eûmes franchi les portes, nous nous trouvâmes en présence
d'un superbe aqueduc à trois rangs d'arches superposées,
parfaitement conservé ; et, après avoir côtoyé la mer
pendant près d'une heure, nous entrâmes à Cherchell, le
paradis des archéologues. De tous côtés s'élèvent des
ruines romaines, des chapiteaux superbes, de magnifiques
colonnes de marbre, de porphyre, de breccia et de granit, des
murailles de tuf rouge, des aqueducs, des thermes, des
temples, etc. Cherchell doit son origine à une colonie
phénicienne.
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