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avant de les lâcher sur leurs victimes. Aujourd'hui, des haricots poussent au milieu de l'arène, et il est évident que nul n'a souci de conserver ces vénérables débris. Avec les actes de ces martyrs présents à la mémoire, il ne me fut pas difficile d'imaginer et de réaliser cette scène de foi et d'héroïsme.

Un peu plus loin, on remarque un tombeau pareil à celui que nous avions vu la veille, mais plus petit, et que l'on croit avoir été construit par Juba pour y ensevelir ses esclaves et ses affranchis. Nous vîmes aussi le théâtre antique où saint Arcadius fut coupé en morceaux pour avoir confessé la foi de Jésus-Christ, ainsi que les excavations récentes pratiquées dans le port, qui ont mis à découvert des antiquités, des vases romains, et entre autres curiosités un vaisseau submergé chargé de poterie. La ville moderne n'offre pas le moindre intérêt : toujours des casernes, et surtout les cafés et les billards, qui paraissent nécessaires à l'existence des Français en Algérie. Aussi, après avoir vu tout ce qui en vaut la peine dans l'antique Cherchell, nous repartîmes par la route qui conduit à la gare d'El-Affroum, et de là par Blidah à Alger. Ce fut un voyage assez triste : car, en voyant dès la chute du jour les vapeurs pestilentielles qui s'élevaient de la grande plaine que nous traversions, nous songions avec douleur à tous les malheureux qui remplissaient l'hôpital des bonnes sœurs à Marengo.

 
 
En arrivant à El-Affroum, nous aperçûmes un pauvre homme gémissant et se tordant dans les angoisses de la fièvre, et presque sans connaissance. Nous lui donnâmes des oranges, qu'il avala tout entières, et avec une avidité qui prouvait combien sa soif était ardente. Ce malheureux retournait à Blidah, chez sa mère ; l'espoir d'un gain élevé l'avait amené dans la plaine, et, en y travaillant, il 
    

 

   
avait rencontré la mort : car à la prochaine station nous vîmes qu'on le transportait hors du wagon, comme si tout était fini. Le soir de ce même jour, nous rentrions à Alger, ne nous doutant guère qu'avant l'expiration de trois mois un soulèvement des Arabes porterait le fer et le feu dans le beau pays que nous venions de visiter, et que des ruines fumantes des forêts noircies et carbonisées auraient remplacé les riches fermes et les bois riants de la Mitidjah.
 
Le soir de ce même jour.
 

Après quelques jours donnés au repos, nous remontâmes dans notre petite voiture pour aller cette fois dans la direction contraire visiter les Kabyles au sein de leurs montagnes. Le correspondant du Daily-News en Algérie a tracé un tableau si fidèle de ce pays et de ses habitants, ainsi que de l'insurrection qui éclata après notre départ, que j'espère qu'il voudra bien me permettre de lui emprunter quelques citations.

Le jour commençait à poindre lorsque nous sortîmes d'Alger par le faubourg de Mustapha-Inférieur, en passant près du champ de manœuvres, qui sert aussi de champ de courses. On ne voyait personne à cette heure matinale, sauf quelques sœurs de charité se rendant à la messe, et çà et là des conducteurs de chameaux rentrant chez eux avec leurs utiles animaux. La route était bordée 

 
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