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de haies d'aloès entremêlés de férules aux panaches d'or et à l'élégant feuillage, ainsi que des fleurs aux blancs épis de l'asphodèle. Un trajet d'une heure nous amena à la Maison-Carrée ou prison d'État, dont j'emprunte la description au journaliste nommé ci-dessus.
 
Conducteurs de chameaux.

" La Maison-Carrée est un établissement où l'on renferme des individus condamnés à la prison simple : c'est un grand bâtiment carré, d'un seul étage, d'une superficie de huit cents mètres carrés en plan, avec un jardin et une cour de récréation. Elle compte aujourd'hui environ huit cents détenus, dont trois cents seulement couchent dans la prison ; les autres travaillent dehors, quelquefois à cent kilomètres de distance. Sur les trois cents qui couchent dans l'établissement, soixante ou soixante-dix sont Européens. L'uniforme de la prison est de toile blanche, et se compose d'un pantalon, d'une blouse et d'une calotte grise. Les Arabes portent un pantalon qui descend jusqu'au-dessous du genou, et une calotte rouge et jaune ; quant aux plus coupables, on les reconnaît à leurs calottes jaunes. Le bâtiment et ses habitants sont gardés par une quarantaine de soldats. Il y a, en outre, un gardien armé d'un sabre et d'un fusil pour chaque escouade de trente prisonniers.

 

Les dortoirs sont dans un corps de logis voûté, munis de vasistas percés dans la toiture ; ils sont excessivement renfermés et malsains : celui des Arabes a environ trente mètres de largeur sur quarante-cinq mètres et demi de longueur, et moins de trois 

    

 

   
mètres de hauteur ; celui des Européens, bien que plus large, a les mêmes dimensions. 
Les Arabes ne souffrent guère du manque d'air pur, accoutumés comme ils le sont dès leur enfance à respirer une atmosphère viciée, tandis que les Européens, pourtant moins nombreux et plus au large, s'y trouvent fort mal. L'inspecteur qui m'accompagnait, s'exprimait très énergiquement sur ce sujet. Chaque détenu est pourvu d'une natte et d'une paillasse. Les prisonniers vieux et infirmes sont dans un local séparé. Il y a aussi une infirmerie : c'est une construction rectangulaire en bois (peut-être trop bien aérée), qui contient de soixante à soixante-dix lits ; elle est partagée en deux parties par une simple grille en bois ; le gardien et les infirmiers ont une chambre au milieu ; en entrant, on a la division occupée par les Arabes à droite, et celle des Européens à gauche. Il y avait lors de ma visite quatorze malades à l'infirmerie, dont dix Arabes et quatre Européens. Les maladies régnantes sont la fièvre parmi les étrangers, et les maladies de poitrine chez les indigènes. Les prisonniers font deux repas par jour : le matin, on distribue aux Arabes une soupe composée de pain, de haricots, de choux, de riz et de légumes verts, le tout accommodé à l'huile ; les Européens ont un potage à la graisse ; au repas du soir, ils ont du riz et des haricots ; les détenus reçoivent la même ration de pain que les soldats, et de la viande une fois par semaine. Il leur est permis, en outre, d'acheter différentes choses à la cantine avec l'argent qu'ils gagnent par leur travail.

" La Maison-Carrée reçoit des prisonniers condamnés à une année de détention et au delà. Il s'y trouvait alors un capitaine de mobiles, qui avait insulté son colonel : il en avait pour six ans ; un autre individu devait y passer vingt ans, et un troisième, quinze ans de réclusion. Mais la durée moyenne varie de trois à dix ans. Un fait assez remarquable, c'est que les cas de vol et d'homicide sont assez rares chez les Arabes, tandis que les délits contre les mœurs sont nombreux. Les prisonniers sont nourris, vêtus et soignés en cas de maladie aux frais d'un adjudicataire, qui reçoit du gouvernement, à cet effet, cinquante-huit centimes par jour pour 

 
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