Pages précédentes ALGÉRIE CONTEMPORAINE   CHERCHELL ET TIZI-OUZOU Pages suivantes
  Retour page Table des matières
   
  
comme il est dominé par les villages qui couronnent les hauteurs avoisinantes, les Français se verraient forcés de l'évacuer du moment que les Kabyles auraient des canons d'une longue portée. Ce fort couvre un terrain de douze arpents ; les murs d'enceinte, qui ont douze pieds de hauteur, sont flanqués de dix-sept bastions et n'ont que deux portes : celle d'Alger et celle de la Djurjura.
 
Berceau arabe.
 
On trouve dans l'intérieur une rue unique, bordée de maisons particulières ou plutôt de boutiques et de cafés, des casernes, une église et son presbytère, le couvent et les écoles des sœurs de la Doctrine chrétienne ; le quartier des officiers est sur la hauteur. On considère comme un grand tour de force la rapidité avec laquelle les soldats français ont construit la route carrossable qui va du fort à Tizi-Ouzou : malgré les difficultés qu'offrait le terrain presque perpendiculaire, qui les obligeait d'aller toujours en zigzag, elle fut terminée au bout de vingt jours ; mais quand il s'agit de bonnes routes, il faut reconnaître la supériorité incontestable des Français sur tous les autres peuples, et c'est à cette cause qu'il faut attribuer la célérité de leurs communications. Nous descendîmes dans une auberge tenue par des Alsaciens (de bien braves gens!), qui nous donnèrent des chambres fort convenables. Nous étions logées à deux pas de la porte d'Alger.

Le lendemain, j'eus un long entretien avec le bon curé de 

    

 

   
l'endroit sur la religion des Kabyles : il m'apprit qu'ils étaient mahométans pour la forme seulement, mais qu'en réalité ils n'avaient aucune croyance religieuse. Ce vénérable prêtre regardait les mesures prises par les autorités françaises comme le plus grand obstacle à la propagation du christianisme : actuellement il est défendu expressément de l'enseigner, de crainte d'exaspérer les indigènes ; cependant ils sont loin de s'y opposer, car plusieurs chefs, et en particulier un des plus influents parmi les Beni-Iraten, avaient fait demander aux " robes noires " de venir dans leurs villages pour les instruire, eux et leurs enfants; mais le gouvernement s'opposa formellement à ce que des prêtres répondissent à cet appel.
 
 
Ce qui donne aux missionnaires un très grand ascendant sur ce peuple, c'est qu'ils connaissent la médecine et qu'ils soignent constamment les malades indigènes. Les sœurs de la Doctrine chrétienne instruisent les garçons aussi bien que les filles dans les écoles du fort Napoléon ; les plus intelligents parmi les premiers sont envoyés au collège archiépiscopal. Ceux qui embrassent le catholicisme ont beaucoup à souffrir de la part de leurs compatriotes. M. le curé me désigna un jeune garçon qui avait été chassé de sa famille par sa propre mère, parce qu'il avait avoué qu'il avait été baptisé au nom de Jésus-Christ. Mais cette opposition cesserait très probablement le jour où les chefs viendraient à se convertir.
 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes