Mais l'insurrection couvait déjà ;
plusieurs escarmouches avaient eu lieu à Sétif et dans les
environs ; notre excellent ami, l'amiral du Port, avait reçu
des nouvelles si peu rassurantes de l'état du pays et des
dangers que couraient les voyageurs sur ces routes peu
fréquentées, que je n'osai pas exposer Mary au risque de
tomber entre les mains des Kabyles. Je retins donc des places
(bien à contre-coeur) sur le Hermès, dont le
capitaine, officier très distingué, était grand ami de
l'amiral Fabre la Maurelle. Je n'appris que trop tard, hélas!
que ce bâtiment était surnommé le Grand-Rouleur
parmi les steamers de cabotage des Messageries impériales, et
il méritait bien cette dénomination, car il canardait même
par un calme plat.
Pas plus tôt embarquée, je
retrouvai ma mauvaise chance. L'amiral nous avait aimablement
conduites dans sa belle chaloupe, et le télégraphe de
l'amirauté avait donné depuis longtemps le signal du
départ, que nous étions encore ballottés dans la rade.
Enfin le capitaine vint m'avertir que, vu le mauvais temps, il
lui serait impossible de sortir du port ce jour-là : il nous
conseillait donc de retourner sur la terre ferme ; ce que nous
fîmes d'assez mauvaise grâce, et ce fut pour trouver notre
charmant appartement déjà pris par une famille nouvellement
arrivée. |