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anéanties. Des difficultés financières survinrent naturellement, qui déterminèrent une fièvre cérébrale. Les médecins appelés déclarèrent que la seule chance de salut qui restait à Mgr Las Casas, était de résigner ses fonctions épiscopales.

On nous avait donné des lettres d'introduction pour le préfet de Constantine, qui voulut fort aimablement nous conduire aux cascades, la plus belle excursion des environs.
Ce fonctionnaire était né à Palerme, de sorte que nous eûmes le plaisir de nous entretenir avec lui de son beau pays de Sicile. Après avoir traversé la petite place encombrée de mulets et de chameaux, et passé par la porte Bab-el-Oued ou de la vallée, on arrive au grand marché indigène, qui se tient dans un enclos en 

 
Marché indigène.
 
dehors de l'entrée principale de la ville, puis à un jardin public, que l'on a embelli de statues et de colonnes antiques, enlevées au musée. On tourne brusquement à droite pour descendre par un sentier escarpé, qui conduit à des moulins à farine et à une source thermale située à l'ouverture de la gorge sauvage du Rummel. Au-dessous s'élève le rocher gigantesque de Sidi-Rached, qui forme la pointe septentrionale de la ville prés de la Kasbah : c'est la roche tarpéienne de Constantine, du haut de laquelle les beys faisaient précipiter les criminels, et surtout leurs femmes, lorsqu'ils les soupçonnaient d'infidélité. Un sentier tortueux frayé sous ce rocher 
    

 

   
vous amène bientôt à une suite de magnifiques cascades, sur lesquelles la nature a jeté une arche de dimensions colossales, à une hauteur si prodigieuse, que l'œil se fatigue à la regarder seulement un instant. Les eaux du Rummel font ici trois chutes successives, puis disparaissent et se perdent sous la montagne, pour reparaître un peu plus loin. Heureusement pour nous, la rivière était presque à sec, de sorte que nous pûmes gravir le lit du torrent et voir dans la perfection non seulement ce premier pont naturel qui relie la Kasbah à Sidi-Mecid, mais encore trois autres arches jetées sur le ravin. Les roches environnantes étaient criblées de trous, servant de nids à d'innombrables corneilles, cigognes et autres oiseaux, qui voltigeaient sur nos têtes, semblables à des points dans l'espace, tandis que nous nous considérions comme des pygmées au milieu de ce spectacle grandiose.
 
 
Dans les petites mares laissées par les eaux en se retirant, des Arabes étaient occupés à préparer des peaux ou à laver leurs vêtements. A droite, sur une roche perpendiculaire, on peut lire une inscription latine, qui rapporte le martyre de Marino, de Jacob et de leurs compagnons. Ces chrétiens, qui exerçaient l'humble profession de jardiniers, après avoir souffert des tortures inouïes, moururent courageusement, pour l'amour de Jésus-Christ, à Cirta (l'ancien nom de Constantine), l'an 259. M. Cherbonneau est très désireux qu'on construise une chapelle à cet endroit, et écrit a ce sujet : " Ne serait-il pas convenable de prouver ainsi aux indigènes que la religion du Christ régnait à Constantine avant celle de Mahomet, et de leur montrer que nous avons autant de respect et de dévotion pour nos saints qu'ils en ont pour leurs marabouts? "
 
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