Au fond du ravin, l'Oued-Kantra se
précipite par une cascade vers la plaine, et une belle arche
romaine de trente pieds de largeur, jetée sur la rivière,
forme un pont des plus pittoresques, sur lequel passe la
route, et qui relie ainsi les deux côtés du défilé. Ce
pont d'El-Kantra, qui a donné son nom à l'oasis, est appelé
par les Arabes Foum-es-Sahara, ou la bouche du Sahara, parce
qu'en effet il domine le seul passage qui conduise du Tell de
l'Algérie au Sahara oriental : on le regarde avec raison
comme la clef de toute cette région. J'oubliai ma fatigue
pour aller, malgré la chaleur, esquisser ce col magnifique.
Entre les rochers perpendiculaires, on aperçoit non seulement
les palmiers de l'oasis, mais encore des roches recouvertes de
couches de sel d'une nuance tirant sur le cramoisi, qui
bornent l'horizon. El-Kantra paraît avoir été jadis une
colonie romaine fort importante, comme l'attestent de
nombreuses inscriptions sur marbre ou sur bronze, que les
agriculteurs et les vignerons de l'oasis déterrent à chaque
instant. Quand on traverse le pont, on arrive aux trois
villages ou " dacheras" qui sont construits au
milieu de bosquets de palmiers et entourés d'une haute
muraille. Ils ont à eux trois une population de dix-huit
cents âmes. Les femmes tissent des burnous et de l'étoffe
pour les tentes ; les hommes cultivent les palmiers et
quelques céréales, qu'ils arrosent comme on le fait en
Égypte. La vue de l'oasis n'est pas moins belle prise de
l'autre côté de la gorge : les montagnes de Djebel-Gaous et
de Djebel-Essor lui font une couronne majestueuse pardessus
les hauteurs du col.
En allant d'El-Kantra à El-Outaïa, on traverse un terrain
rempli d'huîtres, de buccardes et d'autres coquillages
fossiles : je me demandais comment et par quel cataclysme la
mer a pu arriver à baigner cette région élevée.
A El-Hammam, nous repassâmes la rivière près de
certaines sources thermales salées. A droite on aperçoit une
montagne conique, formée de couches de marbre, de gypse et de
sel, que les indigènes appellent la montagne de sel (Djebel-el-Melah).
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