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se trouve le village nègre, habité uniquement par cette race, qui vit tout à fait à part, dans des masures et des rues malpropres, où des troupes de petits enfants nus et noirs comme l'ébène se vautraient dans le sable.
 
Le soleil couchant jetait sur les montagnes et sur le désert.
 
A notre retour, le soleil couchant jetait sur les montagnes, la rivière et le désert, des teintes d'un rose exquis, qu'on ne voit qu'en Afrique, avec des dégradations de tons pourpres, verts et jaunes, qu'il est impossible de décrire, mais que l'on contemple avec d'autant plus de bonheur qu'on songe aux teintes grises et ternes de notre ciel brumeux et à cette lourde atmosphère du nord qui écrase non seulement le corps, mais aussi l'âme.

Dans le cours de la soirée, le caïd et son frère vinrent nous offrir leurs services, ainsi que le colonel Adhérnar l'Hey, commandant de la garnison, qui nous proposa de nous prêter des chevaux pour faire une excursion le lendemain, ce que nous acceptâmes de grand cœur. Nous dînâmes à la modeste table d'hôte de la pension Médan, où nous fûmes servies par les charmantes enfants de nos hôtes, qui ont été élevées à Batna par cette admirable Mme Maréchal (supérieure des sœurs de la Doctrine chrétienne), dont 

    

 

   
j'avais visité les écoles ; elles avaient puisé dans ses enseignements et son exemple cette courtoisie chrétienne, simple et noble en même temps, qui ne saurait se comparer à la politesse banale du monde.
Ce soir-là, on donna la bénédiction du Saint-Sacrement, après une instruction faite dans l'église aux soldats de la garnison ; auxquels on prêchait une retraite préparatoire à la communion pascale. Un peintre français, M. Dubois, qui logeait chez les Médan et avait passé l'hiver à Biskra, avait consacré son talent à peindre dans le sanctuaire une très belle fresque représentant Notre-Seigneur comme Rédempteur du monde. En rentrant de l'église, je passai près des cafés arabes, où des femmes vêtues de riches étoffes d'or et de pourpre et surchargées de bijoux dansaient au son monotone du tam-tam. Il faisait aussi clair qu'en plein jour : la lune projetait avec une netteté extraordinaire les ombres des maisons et des palmiers sur le sable jaune brillant ; l'air était tiède comme celui d'une chaude nuit de juillet. Nos petites chambres donnaient sur un jardin rempli de pois de senteur et d'autres fleurs odorantes. Il était impossible de s'enfermer, tant la chaleur était intense ! Quant à moi, je ne pouvais m'arracher aux charmes de cette belle nuit, et je restai en contemplation devant le ciel étoilé, jusqu'à ce qu'enfin le sommeil vînt me surprendre.

Notre promenade à cheval du lendemain, avant le lever du soleil, fut une des excursions les plus délicieuses que j'aie faites de ma vie. Nous avions d'excellentes montures, et nous traversâmes au petit galop des bosquets de palmiers, des villages pittoresques de l'oasis, avec leurs jolis minarets, leurs ponts rustiques faits de troncs de palmier, des bois d'oliviers, de caroubiers et de cyprès magnifiques. Chaque nouveau point de vue nous semblait plus beau que le précédent, et ce nous fut un grand chagrin lorsque la 

 
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