de leurs traits. Elles étaient
toutes couvertes d'amulettes et de bijoux en argent. A mon
retour, je m'amusai à dessiner une jeune fille de dix-huit
ans qui s'était plantée devant ma fenêtre pour voir ce qui
se passait dans ma chambre. Je me vengeais ainsi de son
indiscrétion ; mais, dès qu'elle s'aperçut que je faisais
son portrait, la curieuse prit la fuite.
Nous fûmes invitées à passer la soirée chez le caïd,
qui nous présenta sa femme et sa fille, toutes deux
admirablement belles. La mère, richement vêtue, était
assise dans une alcôve, avant auprès d'elle ses deux jolis
petits enfants, dont l'un dormait dans sa couchette, tandis
que l'autre ouvrait de grands yeux à la vue de ces deux
étranges Européennes, et demeurait muet d'étonnement. La
fille du caïd était veuve. Il parait qu'elle avait fait un
mariage d'inclination : aussi était-elle inconsolable de la
mort de son mari ; elle n'était pas habillée de noir, mais
elle ne portait point de bijoux, ce qui dans ce pays est un
signe de deuil. Le second fils nous servit d'interprète : il
parlait français assez couramment. C'était bien le plus bel
Arabe qu'il fût possible de voir. Il témoigna le plus vif
désir de connaître l'Angleterre, que son frère aîné avait
visitée à l'époque de la grande Exposition de 1862, et il
ne cacha pas qu'il était mécontent de la position actuelle
qui lui était faite dans sa famille. Sa mère nous raconta
qu'elle avait eu neuf enfants, tous aussi beaux et aussi bien
constitués que celui-ci, dont elle était évidemment très
fière. On nous offrit du café délicieux, préparé à la
mode arabe, ainsi que des dattes de Souk. Nos personnes et nos
costumes procurèrent beaucoup d'amusement à ces dames ; le
chapeau rond de Mary les intrigua énormément, et elles
admirèrent fort son opulente chevelure. Nous rentrâmes au
logis par un clair de lune féerique. Les ombres des maisons
et des palmiers se dessinaient avec une telle netteté, qu'on
les eût dites découpées sur le ciel bleu foncé; elles
étaient même plus noires qu'en plein midi. Le climat de
Biskra est assurément le plus délicieux du monde en hiver et
au printemps, et la vie matérielle y est à si bon marché,
que je ne comprends pas pourquoi un plus grand nombre de
personnes ne s'y établissent pas pour se refaire la santé et
fuir les
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