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Mais, à force de parler des cigognes, je m'aperçois que j'oublie saint Augustin, dont le souvenir donne seul de l'intérêt à Bône. On lui a dédié une belle cathédrale, du style byzantin, sur la place Napoléon. Je m'y rendis avec empressement, et j'y admirai des fresques représentant la vie du saint docteur et celle de sainte Monique. On y conserve aussi de précieuses reliques ; mais mon grand désir était de visiter Hippone, l'antique Ubbo, qui n'est qu'à environ deux kilomètres de Bône, et qui fut la demeure de saint Augustin et le siège de son évêché. C'est là qu'il fut ordonné prêtre, en 390, et plus tard nommé coadjuteur de Valérius, auquel il succéda en 395 ; c'est encore à Hippone qu'il écrivit ses " Confessions ", en 397, tandis qu'il composa son célèbre traité de " la Cité de Dieu " de 413 à 426. Pendant trente-cinq ans, cette ville eut le bonheur de posséder saint Augustin. Les années de son épiscopat furent pour elle des années de gloire et d'honneur, car Carthage n'était alors qu'une ville secondaire.

 
Les Arabes achevèrent l'oeuvre des Vandales.
 

Hippone fut prisé par les Vandales au mois d'avril 431, une année après la mort de saint Augustin. Ce fut en vain que ses habitants se défendirent avec bravoure pendant deux mois : leur résistance opiniâtre ne fit qu'exaspérer les vainqueurs, qui la réduisirent en cendres ; la cathédrale et le palais épiscopal furent heureusement épargnés, et la Providence divine ne permit pas non plus que la 

    

 

   
bibliothèque et les manuscrits précieux légués par le grand docteur à son Église devinssent la proie des flammes. En 534, Bélisaire s'empara d'Hippone, et lui rendit quelque peu de son ancienne splendeur ; puis elle fut reprise, en 697, par les Arabes, qui achevèrent l'œuvre de destruction commencée par les Vandales. L'espace compris par les anciens murs d'enceinte est d'environ 60 arpents. Il ne reste aujourd'hui debout que les réservoirs romains, une portion de l'aqueduc et les murs du palais de l'évêché. On a construit auprès de ces ruines une modeste chapelle, où un pieux ecclésiastique, décédé depuis peu, offrait tous les jours le saint sacrifice de la messe. Il habitait une maisonnette à deux pas de l'église. Son vœu le plus ardent eut été d'engager des religieux de l'ordre de Saint-Augustin à venir fonder une mission dans ce lieu tout rempli des souvenirs de leur patriarche. Partout de belles feuilles d'acanthe poussaient au milieu de ces ruines, ombragées d'oliviers séculaires et tapissées de clématites, d'églantines et d'autres fleurs des champs.

L'excellente supérieure des sœurs de la Doctrine chrétienne avait bien voulu m'accompagner. Nous gravîmes ensemble un sentier escarpé, qui conduit à un bois d'oliviers au milieu duquel on a érigé un grand monument de marbre blanc, surmonté d'une statue en bronze de saint Augustin. Chaque année, à la fête du saint, on célèbre la messe dans cet oratoire qui lui est dédié, on chante ses litanies et l'on fait ensuite une procession. De cet endroit on jouit d'un point de vue magnifique : à droite on voit le mont Édough ; à gauche, Bône et la Méditerranée aux flots d'azur. Que de fois, nous disions-nous, saint Augustin doit avoir contemplé ce même spectacle ! car la nature est immuable.

Nous redescendîmes la colline, et nous allâmes visiter un grand orphelinat, dirigé aussi par les sœurs de la Doctrine chrétienne, et situé dans les environs d'Hippone. On y a recueilli plus de deux cents enfants, qui cultivent les jardins, travaillent à la ferme et s'adonnent à diverses industries. Cet établissement est un des plus 

 
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