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C'est lui qui sert d'arbitre et
décide dans toutes les querelles qui surviennent entre les
indigènes et les Français. Il doit aussi se faire une loi de
parcourir continuellement le pays, se constituer le protecteur
des opprimés ; le redresseur des torts et des injustices.
C'est encore lui qui est chargé de la répartition des
impôts. Il doit aussi tenir dans ses bureaux un registre
exact de tous les propriétaires ou fermiers établis dans la
contrée, indiquer le produit de chaque terre, si on y élève
du bétail, si on y récolte des céréales ou autres
denrées, et cela de telle sorte qu'on puisse, en consultant
ces registres, obtenir des statistiques très précises. Outre
ces emplois responsables, le chef de bureau est encore chargé
de solder les spahis, makhzen, askars et autres troupes
irrégulières de cavalerie, dont il peut toujours disposer
pour le service actif, lorsque l'occasion l'exige. Tous les
petits bureaux arabes sont centralisés dans les chefs-lieux
des provinces, c'est-à-dire à Constantine, Oran et Alger, et
ils sont tous obligés d'envoyer leurs rapports au grand
bureau central, attaché à l'état-major du gouverneur
général de l'Algérie. |
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Rien ne parait, plus beau et plus
parfait en théorie que ce système, au moyen duquel les
tribus sont l'objet d'une surveillance rigoureuse, tandis que
leurs besoins et leurs désirs particuliers sont transmis avec
la plus grande exactitude à ceux qui les gouvernent.
Malheureusement, les employés ne se montrent pas toujours
dignes des fonctions délicates qu'ils exercent et de la
confiance qu'on a en leur honorabilité. Dans maintes
circonstances, ces personnes investies de pouvoirs sans limite
se sont rendues coupables d'injustices criantes et de fraudes
considérables. Aussi, pendant mon séjour en Algérie, les
indigènes sentaient-ils vivement les inconvénients de ce
système, et ne se faisaient-ils pas faute
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d'exprimer hautement leur
mécontentement, et cela à un tel point que les hommes
placés à la tête des affaires en vinrent à discuter
sérieusement si on ne ferait pas acte de bonne politique en
l'abandonnant tout à fait. Mais ils se trouvaient en
présence de ce problème difficile : par quoi faudrait-il
alors remplacer l'organisation actuelle? Il est absolument
indispensable qu'il y ait des intermédiaires entre les deux
races : or ni les préfets, chargés de l'administration
civile ; ni les généraux, occupés du soin de l'armée, ne pourraient
remplir des fonctions aussi délicates et aussi ardues, sans
l'aide de collaborateurs. |
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Quant aux finances du pays, c'est
encore une question épineuse, que l'on ne pourra résoudre
d'une manière satisfaisante que le jour où l'on trouvera des
capitalistes qui voudront bien apporter leurs fonds dans la
colonie, pour développer ses immenses ressources.
Les impôts arabes consistent
principalement en ce qu'on appelle " aachouar ", ou
dîmes des récoltes (évaluées soit par la quantité semée,
soit par l'apparence du grain sur pied) ; il y a aussi le
" zikkat ", espèce d'impôt foncier qui pèse
également sur le bétail, au taux de 5 pour 100. Comme il
était impossible de percevoir ces contributions dans les
districts montagneux ou sur la frontière, le gouvernement
fiançais fit un compromis en établissant un tribut appelé
" liezma ". La responsabilité de chaque tribu est
parfaitement reconnue en matière d'impôt : ainsi, lorsqu'un
délit flagrant a été commis, l'incendie d'un bois ou d'une
ferme, par exemple (c'est presque toujours de cette façon que
les Arabes manifestent leur hostilité), tous les camps ou
douars de ce district sont condamnés à une forte amende,
qu'on appelle " khétia ".
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