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pleines de charme, assises sur une grande galerie vitrée, d'où nous contemplions avec intérêt l'infinie variété de figures pittoresques qui circulaient sans cesse dans notre quartier.

Le lendemain matin, nous ne perdîmes pas de temps à aller visiter les " sooks ", ces bazars merveilleux qui peuvent rivaliser avec ceux du Caire, de Damas et de Constantinople, s'ils ne les surpassent pas : au centre même, s'élève une mosquée magnifique, dont les coupoles se voient à une fort grande distance.  

 
 
Mais il n'est permis à aucun " infidèle " de fouler le seuil de ce sanctuaire, ni même de gravir les trois ou quatre marches qui conduisent au portail extérieur. On nous raconta à ce sujet l'histoire d'un pauvre Israélite dont la " shasheeah " (calotte rouge) avait été enlevée par méchanceté et jetée dans la cour de la mosquée par un jeune espiègle. Le malheureux s'était précipité hors de sa boutique pour aller ramasser son bonnet ; mais, avant qu'il pût atteindre l'en- droit où il était tombé, les musulmans furieux quittèrent leurs bazars en un clin d'œil, se ruèrent sur lui et l'assassinèrent, pour venger le soi-disant sacrilège qu'il avait commis. Les Tunisiens sont tout ce qu'il y a de plus fanatique au monde ; et, dans l'intérieur du pays, la protection la plus puissante sert à peine à mettre un chrétien à l'abri des mauvais traitements. Mais revenons à nos bazars.
    

 

   

Sous ces cloîtres aux colonnes peintes de diverses couleurs, ainsi qu'au-dessus des arcades, on aperçoit des rangées d'échoppes, où des hommes assis sur leurs talons sont occupés, les uns à tisser et 

 
Arabes promenant un lion aveugle.
à broder des écharpes et des étoffes précieuses ; les autres, à l'industrie du cuir : ceux-là fabriquent des haïks, des burnous, des soieries ; ceux-là, des draps de toutes les couleurs, - vert d'eau, - rouge piment, - feuille de rose, - primevère : - en un mot, des nuances exquises, qui réjouiraient l'œil d'un peintre, mais que l'on chercherait inutilement dans les meilleurs magasins des capitales de l'Europe. Notre première emplette fut un échantillon d'une des fabriques les plus renommées de Tunis, c'est-à-dire de ces " shasheeahs " ou calottes rouges, coiffure ordinaire du pays, que l'on teint avec une préparation d'écarlate et d'alun, dans la fontaine de Zouvan (à treize lieues de Tunis), dont les eaux ont la propriété de donner aux objets qu'on y plonge une couleur inaltérable. Les calottes sont mises sur la forme et doublées dans les " sooks " ; on y ajoute ensuite un gland bleu, fait avec de la soie de Constantinople, et on les vend au poids : les plus ordinaires valent 36 francs ; les plus belles coûtent plus cher, mais aussi elles durent toute la vie.
 
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