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et ne voudraient pour rien au monde habiter un palais où est mort un de leurs prédécesseurs : de sorte que chaque bey se fait construire une nouvelle habitation et la meuble somptueusement, sans s'inquiéter de la dépense ; et si malheureusement il y meurt, le palais est à l'instant même déserté, ainsi que les dépendances, qui sont toujours considérables dans une installation orientale. A M'Hammed-Dieh, tous les bâtiments, y compris le harem, formaient une ville entière, entourée de hautes murailles, qui est aujourd'hui recouverte de mousse, et dans un état de délabrement complet.
 
 

Nous pénétrâmes, non sans peine, dans le grand vestibule d'entrée. En voyant ce magnifique escalier en ruine, ces meubles précieux brisés, nous ne pouvions nous empêcher de regretter les folles dépenses et l'abandon cruel dont ce palais avait été l'objet. Nous allâmes faire notre déjeuner champêtre à l'ombre du harem, au milieu de décombres magnifiques, de tronçons de marbre et " d'azulejos ", qui jonchaient le sol de tous côtés. Quelques Arabes affamés, suivis de leurs enfants, nous entourèrent bientôt pour nous vendre des perdreaux rouges vivants. Ils habitaient de misérables gourbis, dans la grande cour, où l'herbe poussait comme dans un pré.

Nous avions devant nous un point de vue magnifique sur le lac Salé et les montagnes de Djebel-Resas, où l'on trouve du plomb ; 

    

 

   
non loin de nous se voyait un de ces puits à roue si pittoresques que l'on ne rencontre que dans ce pays, et. que l'on dit dater du temps des Romains.

La vaste plaine que nous venions de traverser, était couverte de colonnes, de chapiteaux brisés, de tombeaux, tandis qu'un aqueduc, jadis restauré par les Espagnols (pareil à ceux qui sont si nombreux dans la campagne de Rome), se dessinait nettement sur l'horizon. Bientôt les deux charmantes filles de Mme Wood arrivèrent au galop, suivies des chasseurs. On n'avait pas tué de lièvre, mais on avait pris un chacal, qui s'en était vengé en déchirant un des chiens d'une façon si terrible, que nous remportâmes la pauvre bête dans une des voitures. La chaleur avait été, si forte pendant cette partie de plaisir, que Mary fut obligée de se mettre au lit à son retour. Pendant son indisposition, qui dura plusieurs jours, elle fut comblée de soins bienveillants par nos aimables hôtes, qui la traitèrent comme une de leurs propres enfants.

Un pique-nique au Belvédère, joli bosquet d'oliviers planté sur un mamelon qui domine la ville, fut toute ma distraction du lendemain ; mais j'en trouvai suffisamment à regarder par la fenêtre de ma chambre la place du Marché, avec ses vendeurs et ses acheteurs affairés, et les groupes de chameaux agenouillés, qui grognaient ordinairement à l'unisson.

Le jour suivant, nous étions invitées à dîner chez les Ben-Ayat, auxquels nous avions été présentées quelques jours auparavant. Le repas fut interminable, les mets variés ; mais on ne servit pas de vin, la loi de Mahomet ne. permettant pas aux femmes l'usage de cette boisson. Ensuite la voiture nous conduisit à la villa de la fille aînée de Sidi-ben-Ayat, habitation où l'on trouve le luxe d'ameublement français réuni au " confort " anglais. Le mari de cette dame, qui avait beaucoup habité Paris et parle français couramment, nous cueillît un magnifique bouquet de roses, 

 
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