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on a placé les portraits en pied de toutes les têtes couronnées de l'Europe, à l'exception toutefois de celui de notre reine Victoria, qui, en retour des magnifiques présents envoyés par le bey, lui a expédié une petite gravure très ordinaire, représentant sa royale personne, à la grande mortification du consul d'Angleterre, et je puis ajouter, de tous les Anglais qui visitent Tunis. Nous espérons que cette erreur ne tardera pas à être réparée, et que notre bien-aimée souveraine figurera bientôt dignement (en peinture) au milieu des autres potentats de l'Europe.
 
 

Notre séjour à Tunis touchait à sa fin, et notre bonheur eût été parfait sans les moustiques. En vain nous nous entourions des précautions les plus minutieuses, en vain nous examinions chaque soir régulièrement nos moustiquaires, c'était en vain que notre fidèle négresse " Fatima " faisait force fumigations de poudre insecticide : rien ne réussissait à chasser nos persécuteurs acharnés, qui faisaient de nos nuits un long martyre, non seulement par leurs piqûres douloureuses, mais aussi par le bourdonnement incessant et agaçant qui troublait nos rares instants de sommeil. Le seul bon côté de la chose, c'est que nos bourreaux, que nous retrouvions partout, nous forçaient à nous lever de bonne

    

 

   
heure : rien n'était plus délicieux que d'ouvrir sa fenêtre, de contempler le magnifique soleil d'Afrique versant des torrents de lumière sur le sommet des montagnes, le lac et les forts bâtis sur les rives. Le paysage, d'abord noyé dans les lueurs empourprées, paraissait ensuite plongé dans des flots d'or ; puis, à mesure que l'astre du jour s'élevait dans les cieux, peu à peu le mouvement se faisait sur la place du Marché, un bruit qui devenait si étourdissant, qu'on eût pu croire qu'une émeute allait éclater et qu'on allait voir arriver la force armée : des centaines de Maures étaient là réunis, marchandant, gesticulant, criant à tue-tête ; le braiment des mulets et les grognements des chameaux grossissaient le concert, auquel venait s'ajouter le caquetage des malheureuses poules que, sans égard pour leurs souffrances, on liait la tête en bas, et qu'on jetait ensuite brutalement sur les ânes. Puis le vacarme diminuait tout doucement, les conducteurs de chameaux emmenaient leurs bêtes, et l'on voyait poindre bon nombre de personnes vêtues de noir se rendant à la première messe dans la vieille cathédrale.
 
 
Nous voulûmes faire une dernière visite aux bazars en compagnie de notre fidèle guide, Tobie, le drogman du consulat (mort depuis, hélas !), dont nous avions tant à louer l'intelligence et la probité, et, qui nous avait procuré presque toutes les curiosités et précieuses étoffes que nous remportions avec nous de ce pays où l'on est si 
 
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