Dès que nous fûmes de retour à
Tlemcen, nous allâmes dénicher, au fond d'une affreuse
ruelle, un vieux photo graphe nommé Pedro : c'était le seul
individu qui pût nous procurer des vues de la ville, Ce Pedro
était un fier original : il nous fit asseoir au milieu de sa
petite cour, sur les deux uniques chaises qu'il possédait,
jeta sur nos genoux un énorme rouleau de photographies non
montées, et nous dit de faire notre choix. Pendant ce temps
il faisait poser un timide chasseur d'Afrique, qui était venu
se faire immortaliser pour " sa chère amie ". Nous
choisîmes une vingtaine de vues (sans indications, comme
toutes les autres), pour lesquelles il nous demanda urne somme
des plus modiques. Quand au pauvre chasseur, agacé par les
commentaires auxquels l'artiste se livrait sur sa personne, il
prit la fuite en marmottant qu'il reviendrait un autre jour.
Épuisée de fatigue d'avoir vu et examiné tant de choses,
je déposai Mary à l'Hôtel, et je me dirigeai vers
l'église, qui est hors de la ville. C'est un fort bel
édifice, du style normand1. Ici, comme durant tout
le cours de mon voyage en Algérie, je fus frappée du soin
que les français apportent à construire des églises et à
fonder des écoles congréganistes partout où se trouve une
station militaire ou même un petit groupe de colons. Le
docteur Bennett, de Londres, dans son ouvrage intitulé : Un
Hiver sur les bords de la Méditerranée, parle avec
enthousiasme de ce trait du caractère français dans le
passage suivant :
" Bien que l'établissement des Français en Algérie
ait été entrepris dans un but politique et militaire, on ne
saurait nier que c'est aussi une oeuvre de propagande
religieuse, et, pour ainsi dire, la première grande invasion
faite au quartier général de l'erreur musulmane depuis
l'époque des croisades. Le succès remporté par les
Français est donc celui du christianisme et de la
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