|
au sombre feuillage et aux troncs
rougeâtres. Dans quelques endroits la neige s'était fondue,
et laissait à découvert un tapis de verdure printanière,
qu'émaillaient des perce neige, des iris bleus, des
jonquilles blanches, des gentianes bleu foncé et des
hépatiques roses, qui défiaient par leurs brillantes
couleurs le souffle glacé de l'hiver. Ces messieurs les
officiers ne m'avaient point trompée. Non, je n'avais jamais
rien vu d'aussi grandiose. Ce panorama me rappelait beaucoup
celui du Liban par son aspect et sa végétation, et je me
disais que, lorsque la saison serait plus avancée et les
arbustes couverts de fleurs, ce serait un véritable paradis
terrestre. Toutefois le paysage y perdrait quelque chose, car
les cèdres ne paraissent jamais si beaux que par un effet de
neige.
La descente de la montagne fut bien difficile : la terre
gelait sous nos pieds, et nos montures glissaient comme nous
sur ce terrain dangereux. Lorsque nous nous retrouvâmes au
chalet, j'étais mouillée jusqu'à la ceinture. Heureusement
qu'on avait allumé un bon feu de bûches de cèdre pour
réchauffer nos membres engourdis. La route que nous suivîmes
pour retourner à Teniet était si mauvaise, qu'elle me
rappelait à chaque pas celles de la Syrie. Nos chevaux
étaient d'humeur pacifique et avaient le pied sûr ; et, à
l'exception d'un de nos compagnons d'excursion qui roula dans
un torrent, nous n'eûmes aucun accident à déplorer.
|
|
 |
|
Toute la journée le temps avait
été superbe et le soleil d'une chaleur délicieuse ; mais,
sur le soir, le froid devint si vif, que nous fûmes trop
contentes de nous serrer au tour du feu de la cuisine, et de
nous réconforter avec le café chaud que notre hôtesse avait
eu |
|
|
|
|
l'aimable attention de nous préparer. Tout près de la
forêt de cèdres se trouvent des sources
minérales très fréquentées par les soldats français
atteints des fièvres intermittentes qui sont très communes
en été dans cette partie de la contrée. Le docteur Bertrand
a fait une analyse très précise de ces eaux, qui ont les
mêmes propriétés que celles de Hammam-Meskhroutin, que nous
visitâmes ensuite : c'est pourquoi je ne parle pas des
sources de Teniet, d'autant plus qu'il n'y a encore rien
d'organisé pour les baigneurs ; l'établissement est
aujourd'hui simplement à l'état de projet.
Le lendemain matin, nous remontâmes à cheval pour faire
une excursion à la forteresse en ruine de Taza, une des
places fortes d'Abd-el-Kader, perchée sur la montagne
Ech-Chaou, qui est située à environ 6,000 pieds au-dessus du
niveau de la mer.
|
|
 |
La route qui y conduit serpente
dans des gorges et des ravins sauvages, entre des montagnes
couvertes de chênes verts. A chaque instant nous étions
obligées de traverser des torrents à gué ; ce qui
impatientait fort Mary, qui trouvait aussi le paysage trop
monotone aussi me proposa-t-elle de renoncer à la forteresse
et de prendre par un joli vallon à gauche ; ce que nous
fîmes en remontant le cours du torrent, et nous atteignîmes
bien tôt une plaine ombragée par des pins et parsemée de
nombreuses tentes arabes.
Après avoir déjeuné, nous acceptâmes l'invitation que
nous fit le scheik d'entrer dans sa tente, dressée sur un
monticule au-dessus
|
|
|