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du ruisseau. A notre approche, les chiens
de garde aboyèrent avec avec fureur, et, sans
l'intervention de leur maître, nous auraient certainement
mises en pièces. Nous pénétrâmes donc dans l'habitation
basse et sombre du Bédouin, suivies d'une troupe de femmes et
d'enfants tous tatoués et presque entière ment nus. Deux
petits veaux étaient couchés près de l'appui de la tente,
un agneau apprivoisé était attaché un peu plus loin ; des
poules et des coqs voletaient autour de nous, et, tout
effrayés, s'embarrassaient dans nos jambes c'était presque
une arche de Noé. Une des femmes était occupée à tisser la
toile rayée de brun et de blanc qui sert à faire les tentes
; elle travaillait aussi adroitement que nos tisserands et sur
le même principe : elle passait la navette dans la trame
étendue sur des poulies. Toutes ces femmes avaient les yeux
peints avec du " kohl ", ainsi que certains
tatouages sur le menton, comme signes caractéristiques de
leur tribu ; l'une d'elles portait un coquillage autour du cou
en guise de talisman. Mais elles étaient toutes laides et
maigres à faire peur : ces pauvres créatures ont l'air de
mourir de faim. Autour des tentes, des troupeaux de chameaux
et de brebis paissaient sous la garde des enfants. Ces Arabes
nous donnèrent à entendre qu'ils étaient nomades, et qu'ils
quitteraient la plaine dès qu'il n'y aurait plus d'herbages
pour leurs bestiaux.
Tandis que nous parlions, deux des fils entrèrent
c'étaient de forts beaux hommes, portant le costume bédouin.
Ils nous saluèrent avec une gravité empreinte de courtoisie,
et nous montrèrent leurs chevaux, qui étaient attachés à
l'entrée de l'habitation. A leur approche, les femmes avaient
pris la fuite ; mais, la curiosité reprenant le dessus, nous
les vîmes bientôt soulever furtivement un des coins de la
tente, pour nous regarder encore lorsque nous remontâmes à
cheval. On nous donna pour notre dîner un énorme bol de
couscous : c'est une espèce de pâte que l'on pétrit de
façon à ce qu'elle forme une sorte de semoule ; on la sert
soit avec du lait caillé, soit avec une soupe graisseuse,
mélange abominable, à mon avis, et avec lequel il nous fut
impossible de jamais me réconcilier.
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Le lendemain matin, à cinq heures,
nous remontions dans notre affreuse voiture pour retourner à
Milianah, et avec l'agrément d'avoir une cinquième personne
avec nous, la femme du garde-forêt; mais cette fois il
faisait jour, nous avions goûté une nuit de repos, de sorte
que nous étions mieux disposées à lutter contre la fatigue
et les ennuis de ce second voyage.
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Nous déjeunâmes dans un
caravansérail fortifié par une haute muraille percée de
meurtrières, et dont l'emplacement était charmant ; le
thuya, le chêne vert et le pin ombrageaient les coteaux
environnants, tandis qu'une profusion de cistes, de |
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