dans les joues, dans la langue et
jusque dans les yeux, pendant que d'autres personnages se
livraient à une danse de plus en plus échevelée. Les cris
et les gesticulations des acteurs, le bruit étourdissant des
tam-tams et des tambourins, la demi-obscurité et la fumée,
les odeurs fétides et cette foule en délire, cet ensemble
extraordinaire, en un mot, me donna une idée des régions infernales
beaucoup plus saisissante que toutes les descriptions que j'en
avais lues dans l'Enfer de Dante. Cette scène
fantastique me parut encore plus horrible lorsque j'appris que
" Aïssa " est le nom donné par les arabes à notre
divin Sauveur, et que ces sacrifices odieux sont censés lui
être agréables. Aussi j'eus de véritables remords d'avoir
pour ainsi dire sanctionné ces abominations par ma présence,
car j'avais payé ma place. Ce fut bien pis encore lorsqu'on
m'affirma que la plupart de ces fanatiques seraient à
l'hôpital le lendemain, et que nous n'avions assisté qu'à
la partie la moins repoussante du spectacle. Ce nous fut un
véritable soulagement de respirer l'air pur du dehors, et
nous rentrâmes chez nous par un magnifique clair de lune. Le
silence et la paix de la ville endormie nous parurent d'une
douceur inexprimable après les émotions violentes par
lesquelles nous venions de passer 1.
Un des attraits principaux d'Alger consiste dans la
variété, des costumes qu'on y rencontre, surtout dans les
vieux quartiers. Nous eûmes d'abord de la peine à
reconnaître la nationalité de ceux qui les portaient, mais
peu à peu nous apprîmes à les distinguer au premier coup d'œil.
Celui qui a le plus de cachet est bien le costume arabe
proprement dit, tel qu'il est porté par ces hommes à la
taille droite et élancée, aux traits réguliers, aux yeux
noirs et à la fière démarche. Ils ont cette particularité
de toujours se couvrir la tête du capuchon de leur burnous,
autour duquel ils enroulent six ou sept fois une grosse corde
de poil de chameau. Leurs femmes s'enveloppent de la tête aux
pieds dans des haïks et des burnous blancs. On distingue
celles d'un rang élevé simplement à la finesse
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