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de l'étoffe qu'elles portent.
Ces malheureuses créatures, dont on ne peut apercevoir qu'un
oeil, sont traitées comme des bêtes de somme dans les tribus
nomades et les classes inférieures, tandis que dans les
classes supérieures de la société ce sont des esclaves bien
nourries qui n'ont qu'un but dans la vie, celui de servir aux
plaisirs et aux caprices de leur seigneur.
Les Français ont fait plusieurs tentatives pour émanciper
ces pauvres femmes, mais jusqu'ici tout a été inutile. M.
Cherbonneau, savant archéologue et chef d'institution, dont
nous eûmes l'occasion d'apprécier les travaux à
Constantine, raconte à ce sujet l'anecdote suivante, qu'il
tenait de Si-Chadli, célèbre légiste musulman :
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Un des chefs de la tribu des
Haractas (entre Aïn-Béïda et Tebessa) alla pour affaires à
Constantine. Dès qu'il fut de retour, il ordonna à sa femme
de lui apporter des cordes et quatre pieux. Elle obéit,
lorsqu'à sa surprise mêlée de terreur, le chef la lia aux
poteaux, prit un bâton et se mit à la rouer de coups ; ses
cris attirèrent les habitants des tentes voisines, et chacun
se mit en devoir d'arrêter le bras du mari en furie. "
Mais qu'a-t-elle donc fait ? " s'écriait-on de toutes
parts : " c'est la perle de la tribu ! la meilleure des
mères! le modèle des épouses ! " - " Ce qu'elle a
fait ? " répondit le monstre. " Rien du tout ;
seulement je me soulage ! " |
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Enfin, épuisé de colère et de
fatigue, il daigna cesser de battre la pauvre créature, et il
raconta qu'à Constantine il avait vu une femme arabe,
soutenue par les autorités françaises, assigner son mari
devant les tribunaux et porter plainte des mauvais traitements
qu'il lui infligeait, et que le cadi (juge) avait osé rendre
un jugement en sa faveur. Une infraction aussi monstrueuse aux
usages arabes l'avait tellement transporté de rage,
qu'oubliant le but de son voyage, il était rentré chez lui
en diligence, afin de se venger sur le corps de sa malheureuse
épouse de l'ouvrage fait au sexe fort, et par conséquent à
sa propre personne.
Les Maures, qui ne ressemblent nullement aux Othellos que
rêvaient nos jeunes imaginations, sont simplement les Arabes
des villes, qui se sont alliés avec d'autres races. Ils ont
les traits réguliers, le visage ovale, le teint plus clair,
et un costume différent de celui des Arabes : ils se coiffent
d'une calotte rouge et d'un turban de mousseline blanche ; ils
portent une veste de drap de couleur, deux gilets richement
brodés et des pantalons bouffants ; ils ont les jambes nues,
et se chaussent de larges babouches. Les femmes s'enveloppent
du haïk pour sortir ; mais dans leur intérieur elles mettent
une chemise de gaze à manches courtes ; un pantalon très
large recouvre leurs jambes nues ; elles portent aussi des
babouches jaunes ; leurs beaux cheveux noirs sont relevés en nœud
derrière la tête, et une petite " shashea " ou
calotte de velours brodé est posée coquettement d'un côté
; elles ont de magnifiques bijoux, des perles fines, des
émeraudes, des saphirs, affreusement montés, il est vrai,
quelquefois percés par le milieu et enfilés sur du fil
d'emballage ; mais ce sont toujours des pierreries
véritables. Les Arabes ne voudraient à aucun prix porter du
faux : pour cette raison, ils préfèrent même avoir des
pierres précieuses dépareillées, parce qu'ils se méfient
toujours de la régularité de nos bijoux européens. Quant à
la position des femmes mauresques, elle ne vaut guère mieux
que celle de leurs sœurs arabes on ne leur donne aucune
éducation, et celles qui sont d'un rang élevé ne sortent
jamais de leurs maisons....
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