Nous allâmes rendre visite à
l'une d'elles, la princesse N..., dont la fille de cinq ans
était fiancée à son cousin, qui en avait six, et qui était
(par parenthèse) le petit Maure le plus maussade qu'il fût
possible de voir. La princesse me raconta que son mari lui
permettait autrefois de se promener sur la terrasse de son
palais, mais que dernièrement il l'avait fait couvrir ; elle
n'avait jamais revu ses plus proches parents depuis son
enfance, et ne mettait jamais le pied hors de ses quatre murs.
Dans les familles pauvres, la naissance d'une fille est
considérée comme un grand malheur (aussi bien par les Arabes
que par les Maures) ; mais lorsqu'il naît un fils, la mère
reçoit une belle agrafe pour attacher son haïk, tandis que
des coups et des malédictions sont sa récompense si elle
donne le jour à une fille.
Les sœurs de charité et Mme Luce s'efforcent d'améliorer
le triste sort de ces pauvres enfants en leur apprenant à
coudre et à broder, afin qu'elles puissent se placer dans les
familles riches. La princesse N... avait pris à son service
une de ces filles, d'une beauté remarquable : ses yeux
ravissants étaient fendus en amande, son sourire était
enchanteur. Mais malheur à elle le jour où son maître
s'apercevra qu'elle est belle !
Les Juifs d'Alger - et ils sont nombreux - se reconnaissent
aux traits caractéristiques de leur race : yeux noirs, nez
aquilin, teint blême. Ils fourmillent dans les boutiques et
les bazars. Sous la loi de Mahomet, ils ont toujours subi des
outrages et des persécutions ; mais, grâce à la patience et
à la ténacité qui les distinguent, ils ont survécu à
tout, et se sont rendus utiles et même indispensables à
leurs persécuteurs par leur connaissance approfondie des
affaires commerciales, qui sont aujourd'hui leur monopole
presque exclusif.
Je ne dois pas oublier la race importante des Berbères ou
Kabyles. A Alger, on les reconnaît tout de suite à leurs
haïks et à leurs burnous de laine rayés de blanc et de
noir, à leurs tabliers de cuir, à leurs têtes nues et le
plus souvent rasées. Ils sont plus
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