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de débarquer. Il était minuit
lorsqu'on jeta l'ancre dans le petit port si animé d'Oran. Le
commandant de place, averti par une lettre de l'aimable
vicomte de Fontaine, nous envoya chercher dans sa chaloupe,
avec nos bagages, et nous épargna ainsi les ennuyeuses
formalités de la douane. Il faisait un clair de lune
magnifique. Nous nous empressâmes de nous rendre à l'hôtel
de la Paix, où nous fûmes obligées de nous contenter de
deux chambres au troisième : ce qui ne nous souriait pas du
tout, mais il n'y en avait pas d'autres. |
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J'avoue qu'Oran me causa une
grande déception. J'avais lu des descriptions enthousiastes
de ses édifices, et surtout du Château-Neuf, ancienne
résidence des beys d'Oran, qui rivalisait, dit-on, avec le
fameux palais de Constantine; et je me trouvais dans une ville
de garnison, aux rues banales, aux rangées de casernes à
l'aspect triste et uniforme. Les maisons, bâties à la
française, avec quatre ou cinq étages, offrent, par leur
élévation, bien des dangers dans un pays sujet aux
tremblements de terre. On n'a point oublié, je pense, celui
de 1790, qui causa tant de ravages.
Dans notre promenade à travers la ville, je remarquai
deux
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tours antiques, quelques pans de
murailles anciennes, et çà et là un écusson aux armes de
l'Égypte ; mais, en dehors de ces rares vestiges du passé,
la main destructive des conquérants n'a rien épargné.
Le lendemain de notre arrivée était un dimanche : je me
rendis à la cathédrale Saint-Louis, dont l'histoire est
vraiment curieuse... Cet édifice, qui était dans l'origine
une mosquée arabe, fut transformé par le cardinal Ximenès
en temple catholique, sous le vocable de Notre-Dame des
Victoires, et confié par lui à la garde de religieux
bernardins, qu'il appela d'Espagne dans ce but. De 1708 à
1732, ce sanctuaire servit de synagogue, puis tomba en ruines.
En 1839, l'église fut restaurée par les Français et
dédiée à saint Louis. Elle a la forme d'un long
parallélogramme, partagé en trois nefs. Le sanctuaire, qui
est fort vaste, est orné de fresques dues au pinceau de M.
Saint-Pierre : l'artiste y a représenté, au milieu, saint
Louis débarquant à Tunis, et, sur les côtés, saint
Jérôme et saint Augustin. Les armes du cardinal Ximenès1
se voient encore sur la voûte du chœur. Derrière le maître
autel se trouve une petite chapelle, style du quinzième
siècle : c'est tout ce qui reste de l'église conventuelle
des bernardins. Les orgues, construites à Valence, ont leurs
tuyaux disposés en éventail, selon l'usage espagnol. En
entrant dans la cathédrale, je fus saisie d'étonnement de la
voir remplie d'enfants. Ma surprise cessa lorsque je visitai
le couvent et les belles écoles des dames Trinitaires, à
deux pas de Saint-Louis : ces religieuses ont environ 1500
élèves, qui assistent presque toutes à la grand'messe.
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1. Le cardinal Ximenès, homme d'une vertu
austère et d'un vaste génie politique, contribua puissamment
à la gloire de la monarchie espagnole sous le règne de
Ferdinand et d'Isabelle la Catholique. Il fit exécuter la
célèbre Bible polyglotte qui porte encore son nom, et
gouverna la Castille avec fermeté. En 1509, il fit à ses
frais la conquête d'Oran. Il avait été confesseur de la
reine Isabelle, qui le fit nommer archevêque de Tolède. Il
prépara l'avènement de Charles-Quint au trône, et mourut,
dit-on, de chagrin, en 1517, lorsque ce prince ingrat le
relégua dans son diocèse, sous prétexte qu'il disait avoir
besoin de repos. (Note du traducteur.)
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