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au principe de l'élection du Khalife, choisi seulement en vertu de
ses qualités religieuses. Ceux-ci s'appelèrent les Kharidjites, «
Ceux qui sortent sur le chemin de Dieu ».
Ali périt assassiné en 661, mais sa mort n'amena pas la fin du
Kharidjisme. Loin de là. Les Kharidjites, bientôt divisés
eux-mêmes en deux sectes, les Çofrites et les Abadhites, se
livrèrent à une propagande intense dans toutes les parties de
l'Empire musulman. Ils envoyèrent des émissaires qui prêchèrent
non seulement la révolte contre le Khalife, mais l'observation
rigoureuse de la doctrine. Leur attitude dans l'Islam a été
comparée à celles des puritains dans le protestantisme.
Des émissaires Kharidjites vinrent en Afrique du Nord. Il y vint
aussi de véritables colonies d'émigrés Kharidjites qui s'y
établirent et continuèrent la propagande. Les Berbères ont
toujours eu un sentiment développé de l'égalité, et le dédain
des Arabes, ainsi que les mesures vexatoires des gouverneurs, les
préparait à accueillir une doctrine qui, tout en flattant leurs
sentiments intimes, tendait à rétablir les bases véritables de la
religion. Leur mouvement fut un mouvement Kharidjite, au moins
autant qu'une réaction nationale.
Aussi, quand une tribu du sud tunisien, les Ourfedjouma, se jeta sur
Kairouan, elle eut l'appui des Çofrites. La ville prise, ceux-ci se
rendirent intolérables par leurs actes. Pour en venir à bout, on
fit appel à des Abadhites de Tripolitaine qui envoyèrent, pour
rétablir l'ordre et gouverner le pays, le persan Ibn Rostem, un
Kharidjite vivant parmi eux.
Mais les luttes provoquées par le Kharidjisme continuaient encore:
les musulmans malékites d'Égypte constituèrent une armée
destinée à extirper l'hérésie de l'Ifrigya Cette armée marcha
d'abord sur Kairouan, d'où elle chassa Ibn Rostem (761). Le nouveau
gouverneur, Ibn et Achath, poursuivit sa tâche et réussit assez
vite à faire disparaître, au moins en apparence, les Kharidjites
de l'Ifrigya. Un de ses successeurs voulut rétablir l'orthodoxie
dans le Maghreb: mais, dans le Zab, il se trouva encerclé par les
Kharidjites, dont il ne put empêcher une partie de venir assiéger
Kairouan et même de l'occuper un certain temps.
Parmi les Kharidjites ligués contre lui se trouvait Ibn Rostem,
qui, après sa fuite de Kairouan en 761, avait fondé, près de
Tiaret, la ville de Tahert, et organisé dans la région un État
indépendant.
Cet État, dont le fondateur avait entendu restaurer la doctrine
primitive, était gouverné par un Imam, un « directeur de la prière ». |
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Son pouvoir est fondé uniquement sur ce titre, qui lui
confère une autorité absolue, mais à condition que ses décisions
soient toujours conformes au Coran et aux traditions. De ce fait, il
est soumis à l'autorité morale, mais effective, de la caste
religieuse locale, qui s'est peu à peu constituée, et à celle des
autres communautés abadhites existant dans le monde musulman. En
cas de dissentiment entre l'Imam et cette caste, dissentiment dont
les conséquences peuvent être fort graves, puisqu'il s'agit
toujours, étant donné la forme du gouvernement, d'une question
intéressant la religion, on fait trancher la difficulté par une
communauté de l'extérieur, par les Abadhites d'Orient.
A la vérité, le principe plébiscitaire n'était pas entièrement
respecté : les Imams de Tahert, élus conformément aux principes,
appartenaient toujours à la même famille. Mais c'est, semble-t-il,
la seule entorse donnée à la pure doctrine. La rigidité des
moeurs dans l'État de Tahert fait l'étonnement d'une ambassade des
Abadhites de Bassorah, qui se voit refuser des cadeaux précieux;
peut-être ne faut-il voir dans cette anecdote qu'une légende elle serait une nouvelle preuve du fréquent désir des «
hérétiques » de marquer la différence entre leur vie simple et
le luxe déployé par les " orthodoxes " (en l'espèce les
Aghlabides de Kairouan).
Cette simplicité de vie n'empêcha pas les gens de Tahert de
s'adonner à l'étude des sciences religieuses ou profanes. Parmi
celles-ci l'astronomie paraît avoir été particulièrement en
honneur.
Elle n'empêcha pas non plus une vie commerciale et agricole assez
développée. A côté des théologiens, 'des " laïcs "
donnent à l'État une prospérité matérielle indéniable. De par
sa situation, Tahert est en relation avec les sédentaires du Nord
comme avec les nomades du désert, et elle intervient fructueusement
dans le trafic qui s'établit entre eux par son intermédiaire. Des
Abadhhites orientaux viennent s'y établir et y introduisent un
certain luxe.
L' État de Tahert n'a pas laissé de traces matérielles de son
existence. Il paraît cependant avoir vécu plus paisiblement que
l'autre royaume de l'Algérie kharidjite, fondé à. Tlemcen par
Abou Qorra, et assez mal connu. Ni l'un ni l'autre, d'ailleurs, ne
saurait être comparé aux puissants royaumes des Idrissides de Fez
et des Aghlabides de Kairouan, qui donnèrent à l'Islam en Afrique
du Nord un éclat incomparable au lXème siècle. |
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