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créa la grande mosquée de Tlemcen, que le temps a respectée
presque entièrement, et amorça le développement de la ville.
Les Almoravides étaient malékites, ce qui provoqua la réaction
des Almohades. Leur premier chef, le Berbère Ibn Toumert, jeta les
bases de son système à Tinmel, dans les chaînes occidentales de
l'Atlas marocain (entre Marrakech et Taroudant). II entendait
organiser le monde musulman d'après les principes largement
interprétés du Coran et de la tradition. Une des caractéristiques
est l'emploi du berbère comme langue religieuse.
L'empreinte religieuse primitive persista chez les Almohades ; mais
elle fut par la suite une cause de difficultés intérieures : les
cheikhs dépositaires de la pensée d'Ibn Toumert s'opposèrent au
chef militaire et politique. Ces difficultés n'empêchèrent
cependant pas le premier successeur d'Ibn Toumert, Abd el Moumin, de
fonder l'empire des Almohades.
En peu d'années, tout en combattant au Maroc et en Espagne, Abd el
Moumin se rendit maître du Maghreb central. Appelé d'abord par un
clan Zenata (les Ouamamou) en lutte contre le gouverneur almoravide,
il battit celui-ci près de Tlemcen et occupa Oran (1145). Sept ans
plus tard il s'empara de Bougie, les Hammadites n'ayant pu tenir la
campagne et leur armée ayant pris la fuite à la simple vue de son
avant-garde. Au retour, il fut attaqué par les Hilaliens qui,
malgré leur supériorité numérique, se dispersèrent au matin du
quatrième jour de bataille. En 1158 une nouvelle campagne donnait
l'Ifriqya à Abd el Moumin.
L'Algérie reçut une véritable organisation administrative.
Divisée en deux provinces ayant pour villes principales l'une
Bougie et l'autre Tlemcen, elle fut soumise au système financier
des Almohades. Pour subvenir aux besoins de la guerre, ceux-ci ne
purent se contenter des impôts coraniques et du butin : ils
perçurent l'impôt foncier (kharadj) et organisèrent à cet effet
un système d'arpentage. Le maintien de l'autorité était confié
à des tribus, qui, suivant l'usage implanté dans le pays, eurent
les charges et les avantages des tribus maghzen. Ce furent les
Zenata Beni Abd el Ouad à Tlemcen, une tribu arabe à Bougie.
On connaît la fortune des Almohades en Espagne et au Maroc.
L'Algérie fut quelque peu laissée de côté : l'empire était trop
vaste. Dès 1184, les deux frères Ali et Yahya Beni Ghaniya,
apparentés aux anciens émirs almoravides, entamèrent la lutte
dans la région de Bougie. Après avoir pillé la Berbérie, ils se
jetèrent sur Tunis, et, quand ils en furent |
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chassés, continuèrent à ravager notamment la vallée du
Chélif, la région d'Alger, le Sahel, et les environs de Bougie.
La disparition des frères Beni Ghaniya ne ramena pas le calme en
Algérie : les faiblesses de l'empire almohade subsistaient. Elles
aboutirent à la division de l'Afrique du Nord. Suivant l'expédient
ordinaire, les Almohades commencèrent par confier l'Ifrigya, avec
pleins pouvoirs, aux Beni Hafç, descendants d'un des compagnons
d'Ibn Toumert, qui se proclamèrent indépendants dans Tunis. Leur
Etat engloba sur le territoire algérien Bougie et Constantine. Au
Maroc se constitua le royaume des Beni Merin (Zenata nomades du
désert). Entre les deux, les Beni Abd el Ouad de Tlemcen
cherchèrent eux aussi à assurer leur indépendance.
Le royaume de Tlemcen mena une existence agitée entre ses deux
voisins qui, l'un et l'autre, revendiquaient son territoire en
souvenir de la puissance almohade. De plus, l'émir de Tlemcen et le
souverain mérinide du Maroc sont tous deux des Zenata : ils ont
hérité de vieilles querelles datant de l'époque où les ancêtres
vivaient au désert.
Yaghmorasan Ben Zaïan, le premier émir de Tlemcen, est vassal des
Mérinides. Il est attaqué par les Beni Hafç, qui envoient une
armée sous Tlemcen. En même temps il est menacé par le Marocain.
Toute son existence et celle de ses successeurs va se passer à
contenir le voisin de l'ouest et à chercher l'extension du
territoire vers l'est, vers le Chélif et Bougie. Programme
tellement difficile qu'il pousse les descendants de Yaghmorasan aux
expédients politiques les plus surprenants : l'un d'eux va jusqu'à
conclure une alliance avec le roi musulman de Grenade et avec le roi
chrétien de Castille, acceptant le rôle ingrat d'écarter les
Mérinides de l'Espagne par des diversions sur leur frontière
orientale.
A ce jeu, les descendants de Yaghmorasan ne connaissent guère
l'indépendance. Ils sont parfois vassaux du Mérinide ou du
Hafçide, parfois même chassés de leur domaine; leur ville est
fréquemment assiégée; leur palais est une forteresse : le
Méchouar. A ces sièges souvent prolongés, Tlemcen gagne d'être
agrandie. Les Marocains installent leur camp aux environs, et ce
camp devient une ville, Tlemcen-la-Neuve, Mançourah. Les deux
souverains rivalisent de luxe chacun pour sa ville.
Il se présente parfois des chances favorables. La grande
chevauchée d'Abd el Moumin, fondateur de la dynastie almohade, a
laissé des souvenirs chez les Mérinides du |
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