Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 1 L'ALGÉRIE jusqu'à la pénétration saharienne Pages suivantes
- 44 - Table des matières - 45 -
   
   celui des Janissaires, se faisait plus difficile. Les éléments nouveaux étaient médiocres. Dans cette décadence générale la milice conserva son importance avec sa turbulence; la moitié des Deys furent assassinés, les janissaires, comme les prétoriens de la fin de l'Empire romain, cherchant à percevoir le plus souvent possible le don de joyeux avènement.
A ce régime incroyable, Alger ne pouvait retrouver sa splendeur. Une tentative de débarquement espagnol échouait encore dans la seconde moitié du XVIIIème siècle; les petites puissances comme Naples, la Suède, le Danemark, la Hollande, se soumettaient bien à l'humiliation d'acheter la sécurité de leurs vaisseaux; mais les grandes assuraient par la force celle des leurs.

Au début du XIXème siècle, il ne restait plus dans Alger que 1.200 captifs, dont, en 1816, la plus grande partie dut être libérée à la suite d'une démarche énergique de lord Exmouth exigeant, au nom des puissances, l'abolition de l'esclavage.
Le gouvernement du Dey subsista, tel qu'il avait été organisé en principe en 1671, jusqu'en 1830. Les pouvoirs du Dey désigné par la milice sont absolus, et, en fait, il est indépendant de Constantinople, qui lui envoie tous les deux ou trois ans un caftan d'honneur. Il est assisté de son « divan » comprenant les cinq « puissances » ou ministres.

L'organisation des provinces de la régence paraît rationnelle en principe. Le territoire est réparti entre la province d'Alger, dépendant directement du Dey, et les trois beyliks de l'Ouest (Oran, après la reprise sui les Espagnols en 1792), du Tittery (Médéa), et de l'Est (Constantine). Chaque beylik est subdivisé en outan à la tête desquels se trouve un Caïd turc et qui comprennent des douars, dirigés par les Cheikhs et groupés en tribus. Désignés par le Dey, les beys sont à peu prés indépendants; pour se faire obéir, ils disposent, suivant l'antique usage en Afrique du Nord, de tribus privilégiées qui, en échange des services qu'elles rendent, sont exemptes des impôts non coraniques, auxquelles restent soumises les autres. Des colonnes de janissaires, en cas de besoin, participent à la perception des contributions.

Dans la pratique cette organisation ne donne pas grand chose. L'autorité du Dey est bafouée jusque dans la Mitidja. Il n'est même pas en sécurité dans Alger, et, au début du xixe siècle, il doit abandonner son palais situé dans la principale rue, pour se réfugier à la Casbah. En Kabylie, seule une politique adroite fondée sur une parfaite connaissance
      

des rivalités locales permet aux Turcs de se maintenir. En dépit des procédés brutaux qui sont employés (les janissaires et les tribus Maghzen « mangent » les tribus récalcitrantes), l'argent rentre mal; comme la course ne donne plus, le trésor s'appauvrit et ne vit que grâce aux emprunts consentis par des négociants-banquiers comme les Bacri et les Busnach : de là des compromissions d'où naîtra, en somme, l'expédition française de 1830.

L'administration turque ne répara pas les dégâts causés en Algérie par l'invasion hilalienne et les luttes incessantes qui suivirent ; la prospérité, puis la décadence d'Alger ne touchèrent en rien Berbères et Arabes. Seulement, la commune oppression atténua les divergences entre les deux races et provoqua une fusion, en certains cas, assez intime. Mais, en dépit d'un gouvernement réputé unique (et en fait divisé), il ne se constitua pas une âme algérienne. Ce qui subsista, ce fut l'islamisme. Toute prospérité, toute civilisation vivante, a disparu. Il ne reste que des aspirations religieuses mal définies, incapables de produire une évolution vers le progrès, mais douées d'une considérable force de résistance. Les anciens cadres locaux ont disparu, au profit de la classe religieuse des Marabouts.

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes