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celui des Janissaires, se faisait plus difficile. Les éléments
nouveaux étaient médiocres. Dans cette décadence générale la
milice conserva son importance avec sa turbulence; la moitié des
Deys furent assassinés, les janissaires, comme les prétoriens de
la fin de l'Empire romain, cherchant à percevoir le plus souvent
possible le don de joyeux avènement.
A ce régime incroyable, Alger ne pouvait retrouver sa splendeur.
Une tentative de débarquement espagnol échouait encore dans la
seconde moitié du XVIIIème siècle; les petites
puissances comme Naples, la Suède, le Danemark, la Hollande, se
soumettaient bien à l'humiliation d'acheter la sécurité de leurs
vaisseaux; mais les grandes assuraient par la force celle des leurs.
Au début du XIXème siècle, il ne restait plus dans Alger que 1.200
captifs, dont, en 1816, la plus grande partie dut être libérée à
la suite d'une démarche énergique de lord Exmouth exigeant, au nom
des puissances, l'abolition de l'esclavage.
Le gouvernement du Dey subsista, tel qu'il avait été organisé en
principe en 1671, jusqu'en 1830. Les pouvoirs du Dey désigné par
la milice sont absolus, et, en fait, il est indépendant de
Constantinople, qui lui envoie tous les deux ou trois ans un caftan
d'honneur. Il est assisté de son « divan » comprenant les cinq «
puissances » ou ministres.
L'organisation des provinces de la régence paraît rationnelle en
principe. Le territoire est réparti entre la province d'Alger,
dépendant directement du Dey, et les trois beyliks de l'Ouest
(Oran, après la reprise sui les Espagnols en 1792), du Tittery
(Médéa), et de l'Est (Constantine). Chaque beylik est subdivisé
en outan à la tête desquels se trouve un Caïd turc et qui
comprennent des douars, dirigés par les Cheikhs et groupés en
tribus. Désignés par le Dey, les beys sont à peu prés
indépendants; pour se faire obéir, ils disposent, suivant
l'antique usage en Afrique du Nord, de tribus privilégiées qui, en
échange des services qu'elles rendent, sont exemptes des impôts
non coraniques, auxquelles restent soumises les autres. Des colonnes
de janissaires, en cas de besoin, participent à la perception des
contributions.
Dans la pratique cette organisation ne donne pas grand chose.
L'autorité du Dey est bafouée jusque dans la Mitidja. Il n'est
même pas en sécurité dans Alger, et, au début du xixe siècle,
il doit abandonner son palais situé dans la principale rue, pour se
réfugier à la Casbah. En Kabylie, seule une politique adroite
fondée sur une parfaite connaissance |
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des rivalités locales permet aux Turcs de se maintenir. En dépit
des procédés brutaux qui sont employés (les janissaires et les
tribus Maghzen « mangent » les tribus récalcitrantes), l'argent
rentre mal; comme la course ne donne plus, le trésor s'appauvrit
et ne vit que grâce aux emprunts consentis par des
négociants-banquiers comme les Bacri et les Busnach : de là des
compromissions d'où naîtra, en somme, l'expédition française de
1830.
L'administration turque ne répara pas les dégâts causés en
Algérie par l'invasion hilalienne et les luttes incessantes qui
suivirent ; la prospérité, puis la décadence d'Alger ne
touchèrent en rien Berbères et Arabes. Seulement, la commune
oppression atténua les divergences entre les deux races et
provoqua une fusion, en certains cas, assez intime. Mais, en dépit
d'un gouvernement réputé unique (et en fait divisé), il ne se
constitua pas une âme algérienne. Ce qui subsista, ce fut
l'islamisme. Toute prospérité, toute civilisation vivante, a
disparu. Il ne reste que des aspirations religieuses mal définies,
incapables de produire une évolution vers le progrès, mais
douées d'une considérable force de résistance. Les anciens
cadres locaux ont disparu, au profit de la classe religieuse des
Marabouts. |
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