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l'opposition se déchaîna dans la presse, dans des brochures;
perdant de vue, comme il arrive souvent, l'intérêt national, pour
s'en tenir à l'intérêt de parti, elle divulgua des renseignements
relatifs à l'opération, et ce fut un grief que releva Polignac
dans son rapport précédant les ordonnances de Juillet.
Ces divulgations ne furent pas nuisibles. Remarquons-le, cependant :
première entreprise africaine de la France au XIXème
siècle, l'expédition d'Alger connut, comme toutes celles qui l'ont
suivie, l'hostilité peu éclairée d'une partie de l'opinion dans
la Métropole. Il n'est pas certain. d'ailleurs, que le gouvernement
n'ait pas espéré trouver dans la victoire un moyen de faire
admettre plus facilement sa politique intérieure.
La préparation de l'entreprise fut assurée par le général de
Bourmont, d'abord comme ministre de la Guerre, puis, après le 11
avril, comme commandant en chef. Le souvenir de 1815 ne le gêna pas
plus en 1830 qu'il ne l'avait gêné pendant la campagne d'Espagne
(1824) dans l'exercice de son commandement. L'expédition provoqua
un grand enthousiasme dans l'armée.
Le rappel de 11.000 hommes en congé d'un an se fit sans
difficulté. Il fut formé un corps expéditionnaire fort de 37.612
hommes. L'infanterie était répartie en trois divisions : la lère,
division Berthezène (brigades Poret de Morvan, Achard et Clouet),
la 2e, division Loverdo (brigades Damrémont, Monck d'Uzer et Colomb
d'Arcine), la 3e, division du duc des Cars (brigades Bertier, Hurel
et de Montlivault). La cavalerie était constituée par un régiment
de chasseurs d'Afrique formé de deux escadrons du 17ème
et d'un du 13ème chasseurs. L'artillerie, commandée par
Lahitte, comprenait 5 batteries de campagne et 10 batteries de
siège, avec 2.300 artilleurs. Le génie (Valazé), fort de 1.300
hommes, comprenait deux compagnies de mineurs, six de sapeurs et un
demi-train du génie. Les fonctions de chef d'état-major étaient
remplies par le lieutenant-général Desprez, celles de sous-chef
par le maréchal de camp Tholozé. L'intendance, dirigée par l'intendant-général
Denniée, opéra par voie d'achats à la commission, dont fut
chargée la maison Seillière de Marseille.
Aussi bien en ce qui concerne la concentration des troupes que les
services, la préparation fut très minutieusement menée. Des
effets spéciaux furent distribués, le service de santé organisé
d'une façon remarquable pour l'époque. Les 25 jours de vivre dé
débarquement, que Bourmont avaient jugés nécessaires, furent
l'objet de soins |
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particuliers et toutes les précautions furent prises pour qu'ils
parvinssent aux troupes en parfait état.
La flotte chargée du transport était constituée par 103
bâtiments de guerre (1.872 canons) et 347 navires de commerce. La
flotte de guerre était répartie en trois escadres escadre de
bataille transportant la 2e division et comprenant le bâtiment
amiral, La Provence; escadre de débarquement, transportant la lie
division et l'artillerie de campagne; escadre de réserve,
transportant la 1ère brigade de la 2ème
division. Le reste de l'armée était transporté par le convoi
(bâtiments de commerce). Une flottille de 195 embarcations
(escadrille de débarquement) devait amener les troupes à terre;
un dispositif spécial permettait, en cas de besoin, de se servir
de l'artillerie embarquée sur les chaloupes ou chalands.
Il n'y avait, dans l'organisation, qu'un point faible. C'était
malheureusement un point important. La flotte, commandée par
l'amiral Duperré, devait, en vertu des instructions du
gouvernement, coopérer avec l'armée pour la réussite de l'oeuvre
commune. Les instructions remises à Duperré établissaient en
fait sa subordination par rapport à Bourmont, mais non d'une
façon explicite. Seule une instruction spéciale et secrète,
remise à Bourmont, avec ordre de ne s'en servir qu'en cas de
nécessité absolue, lui donnait le commandement de l'ensemble.
Cette situation n'étant pas officiellement proclamée, un certain
nombre de difficultés se produisirent dans le voyage. Les navires
français étaient encore des navires à voile, moins aisés à
manier que des bateaux à vapeur; de ce chef, les « nécessités
techniques » prenaient une valeur particulière. Les marins
semblaient professer une méfiance spéciale à l'endroit des
opérations de débarquement. Tradition, peut-être, comme le
montrent l'es opérations de la guerre d'Amérique. En tout cas,
l'amiral Roussin, à qui l'on avait songé d'abord pour prendre le
commandement, avait déclaré qu'on ne trouverait pas un officier
pour l'exercer, et l'amiral Duperré avait demandé l'ajournement
à 1831. Les jeunes officiers de marine, notamment Dupetit-Thouars,
étaient d'un avis différent. Mais il y avait là une cause de
difficultés et de malentendus.
Le Dey d'Alger était réduit à ses seules forces. Il n'avait rien
à attendre de la Turquie, dont la suzeraineté était purement
nominale. Et même, quand le général Guilleminot, notre
ambassadeur à Constantinople, avait demandé |
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