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à la Porte d'intervenir pour mettre Hussein à la raison, on lui
avait laissé clairement entendre qu'on ne pouvait rien. A la
dernière minute, cependant, un envoyé de la Porte, Mohammed Taher,
se présenta en « pacificateur et conciliateur » à Toulon :
c'était la veille du départ de l'expédition; il ne put rien
obtenir; l'impuissance de Constantinople était démontrée.
De quelles ressources disposait le Dey ?
Pratiquement la flotte algérienne n'existait plus. Mais la ville
était bien défendue sur le front de mer par une artillerie
puissante. La situation était moins brillante sur le front de terre
où un seul ouvrage était la clé de la position (le Fort
l'Empereur, Sultan-Khalessi).
Les forces de terre paraissaient plus sérieuses. Elles comprenaient
la milice turque (15 à 20.000 hommes au total), les Coulouglis
(descendants de Turcs et de femmes indigènes), un certain nombre de
tribus maghzen dévouées aux Turcs. En fait, lors du débarquement,
les troupes françaises eurent à faire à 5.000 janissaires, 5.000
Coulouglis, 10.000. Maures algériens, 30.000 Arabes des beyliks du
Tittery, d'Oran et de Constantine, commandés par l'Agha Ibrahim.
La principale défense d'Alger était encore, dans l'opinion
générale, bien plus que dans celle des militaires et des marins
français, le renom d'invincibilité que lui avaient valu les
retentissants échecs des Européens dans le passé, celui de
Charles-Quint au XVIème siècle, celui d'O'Reilly au
XVIIIème.
Ce renom bien établi semble avoir été la raison qui amena les
Anglais à se contenter de protester sans agir. Le duc de Wellington
déclarait à la Princesse de Lieven « Les Français sont fous,
un revers effroyable les attend sur la terre d'Algérie ».
Le plan d'opération définitif du général de Bourmont était
fondé sur une appréciation exacte de la situation et des
possibilités stratégiques, due aux reconnaissances déjà faites,
entre autres celles du commandant Boutin sous le Premier Empire.
Attaquer directement Alger par mer, tenter de débarquer à
proximité immédiate, eût été une folie. Il fallait débarquer
à quelque distance, de façon à attaquer par terre : c'est ce qui
eut lieu en effet.
Les embarquements de l'armée avaient commencé à Toulon le 11
mai:, ils étaient achevés le 17. L'escadrille |
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de débarquement partit pour Palma. Mais, attendant des vents
favorables, l'amiral Duperré laissa la flotte au mouillage une
longue semaine, ce qui imposa aux troupes des fatigues sérieuses.
Le 25 mai, enfin, la flotte mit à la voile. Elle arriva en vue
d'Alger le 31. Bien qu'il eût, deux jours plus tôt, envoyé
l'ordre à l'escadrille de quitter Palma et de rallier l'armée
navale, Duperré estima que les éléments étaient contraires. La
houle lui parut de nature à empêcher -les opérations de
débarquement. Bourmont ne jugea pas le moment venu de faire état
de son instruction spéciale et admit que la flotte se dirigeât
sur Palma.
Elle séjourna sur rade jusqu'au 10 juin, tandis que les Turcs
cherchaient à accroître leurs forces en appelant aux armes toute
la population de la Régence, en essayant d'entraîner le bey de
Tunis, qui ne se prononça pas contre nous, et le bey de Tripoli,
qui parla de faire prêcher la guerre sainte dans les mosquées.
Enfin, le 10 juin, la flotte quitta Palma. En vue d'Alger quelque
hésitation se marqua à nouveau. Cette fois Bourmont fut
énergique et insista pour débarquer.
Le point choisi était la baie de Sidi-Ferruch, à 25 kilomètres
à l'Ouest d'Alger. Cette baie présentait une plage de sable
d'abord facile, bordée de batteries de défense et flanquée au Nord-est
par la péninsule de Torretta Chica, portant une tour carrée et un
fortin.
Le 14 juin, à 4 heures du matin, l'opération, qui avait été
plusieurs fois répétée à Toulon avant le départ, commença. En
une heure, toute la 1ere division eut débarqué et fut suivie de
la seconde. Bourmont prit terre à 6 heures 1/2 et ordonna
d'enlever les batteries. Celles-ci, prises sous le feu de
l'artillerie navale dès le début de l'opération, tombèrent aux
mains de la brigade Poret de Morvan (3B de ligne, 2e et 4e légers)
à 11 heures.
En fin de journée, les troupes françaises, qui avaient pris 13
canons et 2 mortiers, occupaient une position en arc de cercle
englobant la plage et la presqu'île. L'ennemi n'avait réagi que
tardivement par d'infructueuses charges de cavalerie. Le génie
commença la construction d'un camp retranché.
Bien qu'il eût hâte d'arriver au but, Bourmont était obligé
d'être prudent. Le moindre échec pouvait être fatal et il
fallait attendre le convoi laissé à Palma et transportant le
matériel de siège. Il n'arriva que le 28 (Bourmont |
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