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Abd el Kader, pendant que Desmichels était allé razzier les Smela
passés à l'Emir, tint bon. Les Smela abandonnèrent Abd el Kader
qui dut rentrer à Mascara.
Les garnisons françaises pouvaient vivre grâce aux relations
qu'elles entretenaient avec les tribus du voisinage. Mais, moyennant
une active propagande, et à la suite de quelques actes de violence Abd el Kader
réussit à les isoler. Le moment semblait venu d'essayer d'entrer
en conversation : Abd el Kader sentait la nécessité d'organiser
ses forces avant de reprendre la lutte; Desmichels, s'inspirant des
conceptions de Clauzel, croyait discerner en Abd el Kader des
qualités capables de faire de lui le chef indigène qui pacifierait
l'intérieur, et des sentiments qui lui permettraient d'accepter la
suprématie de la France.
Abd el Kader, chef de la guerre sainte, ne pouvait faire le premier
pas pour entrer en conversation avec les infidèles. Desmichels
accepta de le faire : il demanda la libération de quatre soldats
faits prisonniers dans une embuscade par des hommes de l'émir. La
négociation se noua par l'intermédiaire d'un Busnach d'Oran. Elle
aboutit au traité du 26 février 1834, dit traité Desmichels,
après avoir été marquée par des incidents militaires qui,
brillants pour les Français, leur étaient en fait nuisibles dans
l'esprit des indigènes, parce qu'ils regagnaient leurs bases après
chaque engagement.
Ce premier accord avec Abd el Kader ouvrait la porte à de nouvelles
contestations. Les textes arabe et français ne concordaient pas. En
outre, le traité du 26 février avait été précédé, le 4 du
même mois, d'un échange de notes qui, aux yeux de Desmichels,
étaient de simples préliminaires révisés par le traité
lui-même, tandis qu'Abd el Kader les considérait comme des parties
constitutives du traité ayant même valeur que lé texte du 26.
Les stipulations du traité tendaient à représenter Abd el Kader
comme un souverain indépendant traitant d'égal à égal avec les
Français. C'était lui donner, aux yeux des indigènes, une
autorité et un prestige qu'il n'avait pu acquérir lui-même. Cet
avantage était complété par d'autres, matériels ceux-là :
existence de représentants de l'émir (appelés dans le texte arabe
" consuls ") à Oran, Mostaganem et Arzeu : liberté du
commerce, mais, en fait, monopole du commerce des grains en faveur
d'Abd el Kader (imitation évidente du procédé employé par
Méhémet-Ali pour enrichir son trésor).
La conclusion du traité Desmichels constitue une faute |
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incontestable. Et la responsabilité en retombe tout entière
sur son auteur. En effet, le général Desmichels rendit compte
correctement des premiers pourparlers; mais il signa le traité du
26 février sans attendre les instructions qu'il avait cependant
demandées. Ces instructions, datées du 29, étaient infiniment
plus raisonnables : elles comportaient la reconnaissance par Abd el Kader
de la souveraineté française avec serment de foi et hommage, et
tribut annuel. Conditions évidemment moins dangereuses mais encore
peu réalistes... car Abd el Kader ne les eût jamais acceptées.
C'est ce que montreront le traité de la Tafna et ses suites.
Quelques Français commençaient cependant à comprendre. C'est
ainsi que le commandant en chef, le général Voirol, repoussa
les avances d'Abd el Kader qui s'offrait
à ramener l'ordre et le calme dans la province d'Alger. C'est ainsi
que le gouvernement de Paris lui-même tenait bon dans l'entreprise
commencée, sans d'ailleurs en mesurer toute l'étendue.
L'opinion s'était émue en France des difficultés rencontrées.
Certains, en s'hypnotisant sur ces difficultés, d'autres en
invoquant des principes se prononçaient contre le maintien de
l'occupation d'Alger : les deux tendances se retrouveront par la
suite dans toute notre histoire coloniale au XIXème
siècle. Heureusement, d'autres hommes, les La Rochefoucauld, les
Pelet de la Lozère, les de Laborde, les Clauzel, faisaient valoir
les avantages d'ordre économique et militaire que nous assurerait
la persévérance.
Le gouvernement accepta l'idée d'une vaste enquête menée sur
place, mise en avant par un adversaire de l'occupation, Hippolyte
Passy. Une « commission d'Afrique », composée de parlementaires
et d'officiers, se rendit en Algérie et y séjourna de septembre à
novembre 1833. Elle conclut à la nécessité de rester à Alger;
non qu'elle fût bien profondément convaincue des avantages
d'avenir que l'occupation assurerait au pays, mais pour la
sauvegarde de l'honneur national : la question n'était plus
entière, nous étions engagés; l'entreprise n'aurait peut-être
pas été à recommander; mais on ne pouvait pas reculer.
Une commission supérieure, chargée de réviser les travaux de la
commission d'Afrique, conclut dans le même sens, et d'une façon
plus catégorique : l'intérêt de la France concordait avec son
honneur pour imposer le maintien de l'occupation. Celui-ci fut
décidé. Une ordonnance |
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