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   de la politique brutale de Yusuf qui déchaînait l'hostilité de tribus jusque là fidèles à la France.

Sans doute en souvenir des premiers principes adoptés à la fin de 1830, le gouverneur général persistait dans son dessein d'en finir avec Ahmed, de liquider le dernier vestige de la domination ottomane. Pour agir, il lui fallait des renforts. II avait gagné à sa causé le président du Conseil Thiers. Mais la chute de celui-ci (25 août 1836) arrêta les choses. Molé, le successeur de Thiers, revint sur la promesse faite. Clauzel avait conçu un vaste plan comportant l'occupation de toutes les villes du Tell, la création dans chaque province d'un camp retranché autour duquel pourraient rayonner dés colonnes mobiles. Ce pian, bientôt connu, amena Abd el Kader, en présence de la vulnérabilité de places comme Mascara et Tlemcen, à reporter ses bases plus au sud, et notamment sa capitale dans les ruines de Tagdempt.

L'expédition contre Constantine fut exécutée au mois de novembre. Désespérant d'obtenir des renforts, Clauzel avait offert sa démission. Puis, probablement dans l'idée de s'imposer par un succès et d'obtenir ainsi les 'forces nécessaires pour achever ensuite la pacification, il constitua avec les minces ressources dont il disposait un corps expéditionnaire de 7.000 hommes. Il était impossible d'entreprendre un siège régulier. Clauzel ne pouvait compter que sur un coup de force. Le coup échoua. Il fallut battre en retraite (23 novembre 1836) dans de mauvaises conditions.
Clauzel rentra à Bône le 1er décembre, ayant perdu un septième de son effectif.


Son échec allait avoir de redoutables conséquences. On y vit en France une condamnation de l'action militaire en général, alors que seule avait succombé l'action militaire menée par des forces insuffisantes. On admit bien la nécessité de réparer l'échec de Constantine; mais, pour y arriver, on considéra qu'il fallait en finir n'importe comment avec Abd el Kader : celui-ci avait de nouveau fait ravager la Mitidja par les Hadjoutes, enlevé le troupeau de la garnison d'Oran, et interdit aux indigènes d'entrer dans cette ville.

Comme il arrive en pareilles circonstances, on eut recours à des mesures mal coordonnées et favorables au désordre. A la fin de 1836, le général Damrémont fut envoyé en mission en Algérie, d'où il rapporta une condamnation

      

formelle du système de Clauzel. Celui-ci fut rappelé, et son sévère censeur nommé à sa place (février 1837). Puis Bugeaud demanda à être chargé personnellement de régler la question Abd el Kader. Grâce à la confiance qu'il inspirait au roi, il obtint cette mission. Il devait la (emplir comme il l'entendrait, par les armes ou en négociant, mais à deux conditions essentielles : l'émir reconnaîtrait la souveraineté du roi de France, son domaine serait limité à la seule province d'Oran.

Damrémont débarqua à Alger lé 3 avril 1837. Il ne connaissait rien des pouvoirs conférés à Bugeaud, qui arriva à Oran le 5 avril. II y avait division du commandement et des responsabilités, situation bien peu favorable au succès.

Bugeaud ne jugea pas nécessaire d'abord de combattre. Au mois de janvier, le général de Brossard, qui commandait à Oran, était entré en relations avec Abd el Kader, par l'intermédiaire de l'inévitable Ben Duran. Le général avait accepté de rendre 130 réguliers dé l'émir capturés par nos troupes à la Sikkak (on sait que les marchandages qui eurent lieu à ce sujet amenèrent le général devant un tribunal). Bugeaud reçut à son arrivée la visite de Ben Duran présenté par de Brossard. Il crut la négociation bien engagée, et pensa que l'émir était la personnalité qualifiée pour faire régner l'ordre à l'intérieur au nom de la France.

Bugeaud fit connaître les conditions auxquelles il pouvait traiter. Abd el Kader les repoussa. D'ailleurs, comprenant mal le partage des attributions entre Bugeaud et Damrémont, il craignait un piège. Il crut même que ce dernier seul avait qualité pour s'occuper du Tittery, et il lui écrivit pour entrer en négociations. Il y avait des possibilités qu'il tenait à exploiter comme il l'avait fait auparavant avec le duc de Rovigo et le général Desmichels. Ce fut Ben Duran lui-même, inquiet pour ses avantages personnels, qui y mit un terme en prévenant Bugeaud l'accord se fit entre les deux chefs français, et Damrémont signifia à l'émir d'avoir à traiter avec Bugeaud seul.

La différence entre les instructions de celui-ci et les intentions de l'émir était trop accentuée: Abd el Kader réclamait en somme toute l'Algérie sauf Alger et Oran. Bugeaud voulut recourir à l'action militaire : il se porta sur Tlemcen, puis sur le camp de la Tafna. Mais là, il s'aperçut qu'il n'était pas en situation de poursuivre immédiatement. De plus, il lui faudrait bientôt céder une partie de ses forces destinées à l'expédition de Constantine. De son côté Abd el Kader n'était pas prêt. Les négociations

 
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