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   furent menées activement entre les deux camps, à partir du 24 mai. Elles aboutirent le 30 au traité de la Tafna. D'après le texte français, Abd el Kader reconnaissait " la souveraineté de la France en Afrique ". Les Français conservaient : dans la province d'Oran : Oran, Mostaganem, Mazagran, Arzeu; dans celle d'Alger : Alger, le Sahel, la Mitidja, Blida, Koléa. L'administration dé l'émir s'étendait à la province d'Oran, au Tittery, à la partie non française de la province d'Alger : interdiction lui était faite de pénétrer dans les autres parties de la Régence.
Le méchouar de Tlemcen, d'après Genêt.

La France cédait Rachgoun, Tlemcen, avec le Méchouar (qu'Abd el Kader n'avait pas pu prendre). Le commerce était libre entre Français et Algériens, mais, avec l'extérieur, il devait se faire par les ports français. Aucun point du littoral ne devait être concédé à d'autres puissances sans l'assentiment de la France. L'émir achèterait à la France les armes et la poudre dont il aurait besoin. Il donnerait aux Français une quantité déterminée de blé, d'orge et de bêtes à corne.
D'après ce résumé du texte français, on voit que Bugeaud avait transgressé ses instructions sur un point : il cédait le Tittery. Selon le texte arabe, il n'avait pas mieux réussi sur l'autre point, la reconnaissance de la souveraineté de la France.
      

A la phrase française qui l'établissait, correspondait le très lointain équivalent arabe : « Le commandeur des Croyants reconnaît que le Sultan est grand » Quant au tribut constitué par le « don » de blé, d'orge et de bœufs, aucune garantie n'était fournie, et, pour Abd el Kader, il ne s'agissait que d'une fourniture faite une fois pour toutes. Enfin, la délimitation de la frontière orientale de la Mitidja était par trop imprécise et laissait la porte ouverte aux contestations.

Bugeaud, cependant, était fier de son oeuvre Le 31 mai, il eut une entrevue avec l'émir, la seule qu'ait jamais eue un grand chef fiançais avec lui avant sa soumission: il en remporta une impression excellente et une foi absolue dans les bonnes dispositions d'Abd el Kader.

Tout le monde n'était pas de cet avis. Damrémont tout le premier, qui dénonçait les inconvénients du traité au ministre de la Guerre. Une partie de l'opinion, sans doute impressionnée par le peu glorieux abandon de Tlemcen, le condamnait aussi. Le gouvernement du Roi Louis-Philippe le ratifia cependant le 15 juin. Pour la secondé fois, la France consolidait la puissance d'Abd el Kader. Quant à l'opinion indigène, elle était prête à condamner l'émir qui avait traité au lieu de combattre. Mais Abd el Kader pouvait citer des textes du Coran qui permettaient semblables tractations au musulman momentanément trop faible, qui ne renonçait à la lutté que de façon provisoire, et seulement pour se préparer à la reprendre.


On constata immédiatement les inconvénients du traité dé la Tafna. Damrémont dut renoncer à l'œuvre de pacification de la province d'Alger qu'il avait entreprise non sans succès. Mais, si le traité donnait les mains libres à Abd el Kader, il les donnait aussi au gouverneur général. qui put se consacrer au règlement de la question de Constantine. L'émir n'avait aucun intérêt à s'y opposer. Il considérait que, en chassant le dernier bey turc de la Régence, les Français allaient travailler pour lui : l'éviction d'Ahmed était le second point de son programme, après la soumission du Tittery, avant l'expulsion de l'envahisseur européen.

Au mois de mai, Damrémont avait tenté d'entrer en négociations avec Ahmed sur les mêmes bases que Bugeaud avec Abd el Kader. Les hésitations du bey préservèrent la France de cette solution. Damrémont se rendit à Bône, le 23 juillet, pour prendre la direction des pour. parlers. Ceux-ci n'aboutirent pas; et le 19 août, un

 
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