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Des révoltes se
produisirent chez les indigènes dans les provinces d'Oran et de
Constantine.
Cette fois, le
gouvernement français, poussé par Bugeaud, qui avait un plan tout
prêt, décida une action d'envergure : l'occupation « restreinte,
progressive, pacifique », avait échoué. II fallait aussi
compenser la reculade à quoi avait abouti le soutien donné à
Méhémet-Ali : au lieu d'aider celui-ci, au prix d'une guerre
européenne, à consolider sa situation en Égypte, mieux valait
pacifier l'Algérie. Le Ministère Guizot rappela Valée et le
remplaça par Bugeaud (29 décembre).
Avec celui-ci, qui
avait renoncé aux illusions politiques de 1837, le système des'
camps fut abandonné pour celui des colonnes mobiles. A l'activité
d'Abd el Kader, il fallait opposer une activité supérieure. Le
camp du Fondouk et la plupart de ceux de la province d'Alger furent
évacués. Grâce à la confiance que Paris avait en Bugeaud, les
effectifs atteignirent un chiffre élevé, jusqu'à 110.000 hommes,
et permirent de former un grand nombre de colonnes. Les hommes
furent pourvus d'un équipement approprié. Les convois sur bêtes
de somme devinrent la règle. La colonne comprenait 3 ou 4
bataillons d'infanterie, 2 escadrons de cavalerie, 2 obusiers de
campagne, des auxiliaires indigènes. Bugeaud, qui resta longtemps
en fonction, trouva des subordonnés remarquables, parmi des
officiers qui s'étaient formés en Algérie même, les Changarnier,
les Lamoricière, les Duvivier, les Morris, les Cavaignac, les
Bedeau, les Baraguey d'Hilliers.
Le système
trouvé, restait encore à en arrêter le mode d'application à la
fois politique et stratégique. Certaines servitudes étaient
imposées par l'impossibilité d'évacuer- des points comme Médéa
et Miliana Il fallut donc encore avoir recours aux colonnes de
ravitaillement. Mais, en même temps, Bugeaud comprit la nécessité
de s'attaquer aux places de l'Émir : il commença dès le printemps
de 1841.
Abd el Kader
comprend le danger: il s'adresse au sultan du Maroc, et à
l'Angleterre, mais sans succès. Du 30 mars au 6 avril, Médéa est
ravitaillée. Puis c'est le tour de Miliana (combats du 2 au 5 mai).
A la fin du mois, Tagdempt, Boghar, Taza, Mascara, sont prises. La
première ligne des places de l'émir est enlevée tout entière,
sauf Tlemcen ; la seconde est entamée. En juin, Mascara est
ravitaillée et les troupes de Bugeaud font la récolte dans la
plaine d'Eghris. qui a vu naître la puissance d'Abd el Kader. |
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Après un temps d'arrêt, employé à
la réorganisation de la direction des affaires arabes, la campagne
est reprise à l'automne. Bugeaud bat Abd el Kader à Sidi Yahia,
détruit la Guetna de Sidi Mahi ed Din, arrive' à Saïda (octobre
1841). Il établit des bases d'opérations à Mascara, Mostaganem et
Oran, d'où pourront rayonner et agir en liaison des colonnes de
pacification. En janvier 1842, Bugeaud, partant d'Oran, rentre à
Tlemcen et dévaste Sebdou. En mars, Bedeau soumet Nedroma.
En décembre 1841, Abd el Kader
a
fait de nouveau appel à l'Angleterre. Il a adressé des lettres au
sultan de Constantinople, à son grand-vizir, au capitan-pacha.
Toujours sans succès. Il va chercher des Beni Snassen pour les
mener au combat : ils s'enfuient sur la Sikkak (21 mars 1842). Au
début d'avril l'émir a rassemblé de nouveaux contingents : il est
battu le 11 sur la Tafna par Bedeau. Infatigable, Abd el Kader, qui
a entraîné cette fois les Kabyles, vient assiéger Nedroma. Bedeau
le bat à nouveau le 29 à Bab-Taza.
Le mois suivant, une opération
combinée, conduite par Bugeaud avec Changarnier et Lamoricière,
ouvre les communications par terre entre Oran et Alger, et contraint
la smala d'Abd el Kader à fuir vers le Sahara. Lamoricière manque
de peu l'émir lui-même, mais s'empare de Goudjilah, où Abd el Kader
a rassemblé toutes les armes et les munitions qu'il a pu
sauver de Tagdempt.
Les tribus hésitent encore à se
rallier à la France. à la fois par sentiment religieux et par
crainte des représailles d'Abd el Kader. Il faut déterminer et
pratiquer une politique indigène. Il s'agit d'abord de lever le
malentendu fondamental. C'est à quoi s'emploie Léon Roches, qui,
entre 1837 et 1839, a séjourné auprès d'Abd el Kader, et lui a
même servi en plusieurs occasions de secrétaire pour ses relations
avec l'extérieur. Il y est aidé par Sidi Tedjini, le vaincu d'Aïn
Mahdi.
Les mokkadems, réunis à la
Zaouïa de Tedjini, à Kairouan, ont donné une fettoua, permettant
aux Algériens de faire leur soumission aux Français (août 1841).
Roches fait approuver cette fettoua par les oulémas du Caire, puis
par un medjelès, réuni à Taïf par le grand Chérif de la Mecque
Revenu à Alger en juin 1842, Roches recrute, grâce à Tedjini, des
émissaires sûrs et dévoués qui vont répandre la fettoua dans
les tribus; en même temps, il les fait rassurer matériellement en
promettant qu'il n'y aura plus de traités comme ceux de Desmichels
et de la Tafna abandonnant les tribus ralliées à la vengeance de
l'émir. |
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