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   Abd el Kader a perdu ses places, ses lieutenants sont battus, sa Smala, qui, outre sa famille et ses familiers, comprend d'immenses approvisionnements et toutes ses richesses, 'est contrainte de se déplacer sans cesse. Lui-même, à l'automne de 1842, ne tient plus la campagne que grâce à sa mobilité et en harcelant les troupes françaises. Lamoricière l'a vainement pourchassé sans l'atteindre. C'est dans le sud et au Maroc qu'il peut retrouver des forces. Il faut lui barrer la route.

Au début de 1843, l'émir reparaît dans l'Ouarensenis la saison encore peu favorable empêche Bugeaud d'agir. Mais, au printemps, il se remet en campagne avec ses lieutenants et commence par occuper les grandes avenues du pays : camps d'El Asnam (Orléansville), de Tiaret, de Teniet el Had, de Boghar.

Le duc d'Aumale, qui commande à Boghar, sait que la smala ne peut être loin et il se jure de l'atteindre. Avec ses 60 à 70.000 âmes, elle se meut difficilement. Le duc d'Aumale apprend qu'elle a hiverné à Goudjilah; il occupe ce point le 14 mai. La smala, lui dit-on, est du côté de Taguin. Trompé par un faux renseignement, il se trouve brusquement en présence du vaste campement avec sa seule cavalerie, le 16 vers 11 heures du matin. L'occasion est propice : attendre l'infanterie, c'est risquer de la laisser passer. Le duc d'Aumale se précipite, s'empare de la smala les prises sont considérables, l'effet produit prodigieux.

L'émir lui-même se sent atteint par ce coup de fortune où les musulmans voient la volonté de Dieu : un moment découragé, il songe à se retirer en Orient. La dépression ne dure pas. Mais Abd el Kader est traqué : à plusieurs reprises, il est sur le point d'être pris par le colonel Géry (21 juin, début d'août, 12 septembre), par Lamoricière (22 septembre). Il se réfugie au Maroc.

Alors, se produit dans le drame une péripétie : après de longues hésitations, les Marocains interviennent dans la lutte. La guerre est inévitable, du fait qu'ils donnent asile à l'émir, qui en profite pour organiser sur leur territoire ses coups de main et ses razzias contre l'Algérie, qui ose même y envoyer ses prisonniers. Mais les hostilités prennent bientôt un caractère plus net. L'occupation de l'Algérie par les Français s'étend : au printemps 1844, le duc d'Aumale occupe Biskra, Bugeaud occupe Dellys, un camp français est établi à Laghouat et, comme il était inéluctable, Lamoricière occupe Lalla-Maghrnia. Région toujours contestée à laquelle le sultan du Maroc n'a jamais renoncé.
      

Il y a des troupes marocaines à Oudjda. Leur chef somme Lamoricière d'évacuer Lalla-Maghrnia : Lamoricière refuse. On essaie de négocier, mais les palabres dégénèrent en bataille. En juin, Bugeaud occupe Oudjda temporairement sans rien obtenir : le sultan compte sur l'appui britannique. L'affaire se règle au mois d'août. Tanger est bombardé par l'escadre du prince de Joinvillle le 6, Mogador le 15; le 14, Bugeaud bat complétement sur l'Isly l'armée marocaine commandée par un fils du sultan. Le 10 septembre est signé le traité de Tanger, dont la clause principale met Abd el Kader hors la loi. Le traité est complété par la convention de Lalla-Maghrnia, sur les limites entre le Maroc et l'Algérie (18 mars 1845) : il est bien dit qu'Abd el Kader sera extradé s'il se réfugie au Maroc, mais la frontière est tracée de façon imprécise et inopportune.

 


Bugeaud, rentré en France en novembre 1844, croit la question réglée. Tout va cependant être remis en question. Au début de 1845, le pays est agité par le marabout BouMaza (l'homme à la chèvre), qui profite du mécontentement causé par les maladresses de l'administration française. Au mois de janvier, Sidi Bel Abbés a été surpris. Orléansville est menacée, la révolte gronde dans la vallée du Chélif, dans l'Ouarensenis, dans le Dahra. Une action vigoureuse est nécessaire. Bugeaud, rentré en mars, travaille dans l'Ouarensenis, Pélissier dans le Dahra; Bou Maza est battu par Saint-Afnaud (21 mai) et s'enfuit. Mais la situation reste obscure : de faux Bou Maza apparaissent çà et là. L'agitation est entretenue par Abd el Kader. Cependant Bugeaud rentre en France au début de septembre, laissant ]intérim à Lamoricière.

Tandis que celui-ci se garde surtout au sud, l'initiative désordonnée d'un sous-ordre, le lieutenant-colonel Montagnac, qui brûle de se mesurer avec Abd el Kader, vient troubler l'application de son plan. Montagnac quitte Djemmaa-Ghezaouet avec 346 hommes du 88 bataillon de chasseurs d'Orléans et le 28 escadron du 28 hussards (Commandant Courby de Cognord) ; le 23 septembre, il se porte vers le Djebel Kerkour, engage la lutte sans que ses forces soient réunies et dès le début est mortellement blessé. La plupart des hommes sont massacrés, Courby de Cognord, blessé, est fait prisonnier; 82 hommes s'enferment

 
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