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Elle atteignit d'abord les Beni Raten : partant de Tizi-Ouzou, les
troupes françaises occupèrent le plateau de Soukh et Arba : les
Beni Raten entrèrent en pourparlers. Fidèle à sa méthode, Randon
fit construire une route assurant les communications avec Tizi-
Ouzou. Et d'ès le 14 juin avait lieu la pose de la première pierre
du Fort Napoléon (Fort National).
La campagne fut reprise quelques jours plus tard : prise d'Icheriden
par Mac-Mahon (24 juin) mettant hors de cause les Beni Menguellet,
combats d'Ait Hassen et de Taourirt Mimoun, qui amenèrent la
soumission des Beni Yenni. La campagne s'acheva le 11 juillet dans
le Djurdjura par la capture de la maraboute Lalla Fatma. Randon,
parfaitement au courant du caractère et des moeurs des Kabyles,
leur laissa leurs institutions particulières et une large autonomie
municipale.
La pacification semblait complète.
Une première crise se produisit cependant dans le sud en 1864.
L'accord avec Si Hamza avait permis de prendre contact avec les
Sahariens (voyage de Duveyrier chez les Touareg, accord avec les
Adjer en 1862). En mars 1864, Si Sliman, deuxième successeur de Si
Hamza, rejeta la fidélité à la France à la suite de blessures
d'amour-propre (il n'avait reçu que le titre de bachagha, au lieu
de celui de khalifa qu'avait eu Si Hamza). Le 8 avril, le commandant
supérieur de Tiaret, le colonel Beauprêtre, qui marchait contre
les insurgés, fut surpris et massacré avec sa colonne. Si Sliman
resta lui-même sur le terrain du combat.
Son frère, Si Mohammed, qui le remplaça, profita de l'émotion
causée par la catastrophe de la colonne Beauprêtre et réussit en
quelques jours à déclancher un vaste mouvement du Djebel Amour au
Tittery. Les troupes françaises parvinrent à empêcher les
insurgés de prendre pied dans les Hauts-Plateaux. Mais l'importante
tribu des Flitta, entre le Chelif et Tiaret, se souleva à la voix
du marabout Sidi-Lazreg; les tribus du Dahra s'agitèrent. En dépit
de l'affaiblissement des effectifs (expédition du Mexique), le
général Martimprey, gouverneur général par intérim, à la suite
du décès du maréchal Pélissier, prit la direction des
opérations avec énergie. A la suite d'un combat où leur chef fut
tué, les Flitta se soumirent à la fin de juin, et le calme se
rétablit dans le Djebel-Amour et le Tittety. |
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La situation resta longtemps troublée en Oranie. De ce côté, Si
Mohammed tint la campagne jusqu'à sa mort (4 février 1865). Il
aurait fallu atteindre la région de Figuig, le Maroc, où les
rebelles trouvaient un refuge. Le gouvernement français s'opposa
à ce mouvement. Pendant plusieurs années on dut rester sur le
qui-vive, en s'opposant aux razzias des pillards sans pouvoir
trancher dans le vif. Cependant, en juillet 1870, une attaque
contre les Hamyan, fit autoriser le général Wimpfen à agir
contre les Zegdou (Oulad Djerir, Beni Guil, Doui Menia) : son
succès fut complet. II fut malheureusement temporaire, et
l'agitation continua. Elle ne devait cesser que lorsque la
pénétration saharienne eut porté ses fruits : c'est un sujet qui
vaut d'être étudié pour lui-même.
Plus brève, mais aussi plus grave et plus meurtrière, fut, en
1871, l'insurrection de la Kabylie. La guerre franco-allemande
avait amené une nouvelle et très profonde baisse des effectifs,
et nos défaites un redoutable affaiblissement du prestige
français. Avec une extraordinaire légèreté le gouvernement de
la Défense Nationale choisit ce moment pour introduire des
modifications sérieuses dans le système administratif de
l'Algérie : substitution du régime civil au régime militaire,
naturalisation en bloc des israélites en vertu du décret
Crémieux. On inquiétait à la fois les chefs indigènes jaloux de
leur autorité, et la masse des musulmans.
L'agitation alla s'amplifiant, et, à cause du manque de troupes,
aboutit à une véritable insurrection. Elle fut menée par un
descendant d'une famille illustre, Moqrani, BachAgha de la Medjana,
et prit un caractère religieux du fait de l'alliance qu'il conclut
avec le cheikh Haddad, chef de la confrérie des Rahmanyia. Moqrani
commença par adresser une déclaration de guerre en forme au
général commandant la subdivision de Sétif (14 mars 1871) et par
mettre le siège devant le poste de Bou Arreridj. Peu après, les
Rahmanyia étaient appelés à la guerre sainte par le cheikh
Haddad (8 avril).
La guerre sainte prit la forme du pillage : les villages et les
fermes isolés furent dévastés, les villes bloquées.
C'est-à-dire, car le mot blocus évoquerait des visions militaires
inexactes, que les communications furent interceptées. Dellys,
Bougie ne purent plus trafiquer avec les environs; des postes
même, comme Fort-National, se trouvèrent coupés du reste du
pays. Souvenir des années de naguère : la Mitidja fut envahie. En
quelques jours, 150.000 Kabyles avaient pris les armes. |
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