orientale de toutes les villes algériennes, je connais peu de
toitures un peu hautes qui ne supportent un nid. Chaque mosquée a
le sien, quand elle n'en a pas plusieurs. C'est une faveur pour une
maison d'être choisie par les cigognes. Comme les hirondelles,
elles portent bonheur à leurs hôtes II y a toute une fable qui les
consacre et les protège: ce sont des tolba chargés en oiseaux pour
avoir mangé un jour de jeûne. Elles reprennent tous les ans leur
forme humaine dans un pays inconnu et très éloigné, et quand,
appuyées sur une patte, le cou renversé dans les épaules et la
tête élevée vers le ciel, elles font avec un claquement de leur
bec le bruit singulier de kuam... kuam... kuam, c'est qu'alors
l'âme des tolba, toujours vivante en elles, se met en prière.
Jadis c'était Antigone, cette fille de Laomédon et sueur de Priam,
que Junon changeait en cigogne pour la punir de l'orgueil que lui
causait sa beauté. Tous les peuples ont eu le génie des
métamorphoses, et chacun y a mis sa propre histoire: la Grèce
artiste devait être punie dans sa vanité de femme; l'Arabe dévot
et gourmand devait l'être pour un péché commis en carême. (1)
"
V - Les Colombes
Lorsqu'on arrive par la route au col des Djebilets qui dominent
Marrakech à 30 kilomètres au nord, on voit, au-dessus de la ligne
sombre des palmiers, s'élever, svelte et grave, la koutoubia. Mais
au-dessus d'elle, tournoient dans l'air limpide des vols de
colombes, blanches comme les neiges de l'Atlas, qui forment le fond
du décor :
" Le vent était tombé, et pourtant leur feuillage, qui ne
laissait filtrer aucune parcelle de lumière, remuait comme d'une
vagué respiration. Il était étrangement chargé, ponctué,
jusqu'en haut, de taches d'un gris violet, - des cônes, sans doute,
que je regardais, sans penser à m'étonner de leur couleur, quand
tout d'un coup l'un de ces fruits s'envola, et tous les autres
suivirent. C'étaient encore des ramiers: la lente palpitation des
beaux arbres était faite de toutes les leurs. Un instant, ils
tournoyèrent, et tout le vol bruissant revint s'enfoncer dans les
sombres
(1) FROMENTIN. - Une année dans le Sahel.
Paris, Plon, 1925, in-18, p. 54 à 156.
|