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quenouilles; de nouveau, il n'y eut plus qu'une multitude
d'immobiles fruits. " Les colombes de la mosquée ", nous
dit notre compagnon Merrâkchi.
" Elles sont, paraît-il, des myriades à Tameslouhet. II faut
imaginer, au printemps, quand l'air défaille de la suavité des
orangers en fleurs, ce que peut être, infiniment, leur tendre,
rêveur, endormant murmure. Des nappes de parfums et d'amour
enveloppent alors cette terrasse féminine qui couronne une abbaye
musulmane.
" Les colombes de la mosquée, mais plus particulièrement les
colombes du vénéré fondateur. Il paraît que ce très saint avait
reçu d'en haut, entre autres pouvoirs surnaturels, de
tout-puissants prestiges contre les oiseaux rapaces. Alors les
autres, les innocents, et surtout les pigeons, arrivèrent à tire
d'aile, de tous les côtés de l'horizon, dans la Zaouia. Si, par
hasard, un mauvais chasseur de l'air apparaissait au-dessus des
jardins délicieux, il suffisait de lui signifier l'ordre qui
bannissait tous ses congénères. On écrivait cet ordre sur une
planchette que l'on plantait au bout d'un roseau dans la terre; le
méchant se le tenait pour dit, et partait. Un jour, le très saint,
s'étant querellé avec ses fils, voulut abandonner Tameslouhet.
Toute la gent ailée de la Zaouia le suivit en un grand nuage.
Lorsque les habitants virent cela, ils coururent après le Chérif,
et lui dirent: " O père, nous t'avions laissé partir. Mais
ceci est un signe. Que celui qui fit jaillir l'eau bénie à
Tameslouhet, et que suivent les oiseaux de Dieu, revienne à
Tameslouhet ! "
" Le saint se laissa ramener par son peuple.
Bien entendu, tous ces bienheureux pigeons sont marabouts, comme les
cigognes, qui reviendront au printemps. Jamais personne n'aurait
l'idée de leur faite du mal, et de là leur abondance au bout de
quatre siècles. Les murs de la Zaouia n'en sont pas seulement
couverts, ils en sont à la lettre remplis : en regardant bien, on
voit remuer du gris ou du bleu dans chacun des mille trous laissés
par les échafaudages en ces fauves parois de pisé. (1) "
(1) André CHEVRILLON. - Marrakech dans les
palmes. Calmann-Lévy. Paris, 1922, in-18, p. 258, 259, 260 et
261.
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VI - Le Lamet
Personne n'a vu cet animal. Mais les chasseurs en parlent
beaucoup. Ils disent que c'est un quadrupède dont le bipède droit
est plus court que le gauche pour mieux courir à flanc de coteau.
C'est un inépuisable sujet de plaisanteries. J'ai trouvé un texte
relatif au lamet (prononcez lammtt) et je le transcris en souvenir
de mon passage au Sahara en le dédiant aux Nemrods qui
m'accompagnaient :
" Taïeb n'est pas seulement un traditionaliste distingué. Il
a la spécialité des récits de chasse. Le plus merveilleux dont
j'ai gardé le souvenir, est la poursuite d'un animal mystérieux
que mon guide appelait le lamet. Le seul détail précis que j'ai pu
obtenir sur ce gibier fantastique, c'est qu'il n'a qu'un pied. Avec
ce pied unique, le lamet court plus vite que tous les chevaux. On
les crève inutilement à sa poursuite.
" Je suis - je ne sais pourquoi - beaucoup plus rebelle aux
histoires de chasse qu'aux récits surnaturels, et je ne peux
m'empêcher de présenter à Taïeb cette objection candide
" - Comment sait-on que le lamet existe puisque personne ne l'a
jamais vu ?
" Le spahi a répondu avec sang-froid :
" - Si, il y a bien longtemps, un chasseur a tué un lame. Il
l'avait surpris endormi sur son seul pied et appuyé contre un
arbre. Alors le chasseur a scié l'arbre et le lamet est tombé par
terre. (1) "
(1) Hugues LE ROUX. - Au Sahara. Paris,
Marpon et Flammarion, 1891. in-16, p. 60 et 61.
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