Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 10 LA VIE ET LES MŒURS en Algérie Pages suivantes
- 46 - Table des matières - 47 -
   
   GUILLAUMET. - Un marché arabe en Algérie.       

matériel on ne peut plus réduit, les gens du sud avec leurs laines et leurs dattes, ceux de la plaine avec leurs grains, les montagnards avec leur huile, leur bois et leur charbon. Les jardiniers de Blidah apportent les fruits et tous les légumes cultivables, depuis les oranges et les cédrats, jusqu'aux pois chiches rôtis, qui sont le grain rôti de l'Écriture sainte, jusqu'aux lentilles, dont on fait un potage rouge en souvenir du plat d'Esaü. Les colporteurs juifs ou arabes vendent la mercerie, la droguerie, les épices. les essences, les bijoux grossiers, les cotonnades de tout pays et les tissus de toute fabrique, etc. Chacun a son étalage en plein vent ou couvert, et dans les deux cas les dispositions sont fort simples. Une ou deux caisses ou bien des paniers pour contenir les marchandises, une natte pour les exposer, un carré d'étoffe en manière de parasol, voilà, je crois, le seul mobilier nécessaire au marchand forain.
 
« Celui des artisans n'est guère plus compliqué. Le maréchal-ferrant, que je prends pour exemple, est un homme en tenue de voyage, coiffé du voile, en jaquette et les pieds chaussés de sandales à courroies, qui porte avec lui dans le capuchon de son manteau tout le matériel d'une industrie qui semble un art de fantaisie, tant elle a peu d'occasions de s'exercer. Ce sont des morceaux de fer brut ou préparés d'avance, un marteau, des clous, un chalumeau, une très minime provision de charbon de bois, enfin l'enclume, c'est-à-dire un instrument portatif semblable lui-même à un marteau dont le manche sert de tige et de point d'appui. Trouve-t-il un cheval à ferrer, aussitôt il s'installe. Il fait un trou dans la terre, et y établit son fourneau de forge. Il plante son enclume à côté du fourneau, s'accroupit de manière à la saisir entre ses genoux, choisit un fer dans sa provision, et le voilà prêt. Un apprenti, un voisin, le premier passant venu rend à l'industriel le service de souffler le feu, et lui prête obligeamment le secours de ses poumons. Le fer rougi et façonné, le reste se pratique comme en Europe, mais avec moins d'effort, moins de précaution, moins de perfection surtout. Le fer est rarement autre chose qu'une sorte de croissant très mince, à moitié rongé de rouille, qui ressemble à du cuir taillé dans une vieille savate hors d'usage. Quand le charbon manque, on le remplace alors par de la tourbe, ou plus simplement par du fumier de chameau, combustible actif, qui se consume à petit feu sourd, comme un cigare, et se reconnaît tout de suite à des combinaisons d'odeurs végétales absolument fétides.

 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes