|
aigus et plaintifs du chacal en chasse et de la panthère aux aguets
dans la haute forêt. On m'invita à m'étendre sur un tapis étalé
à terre et on me servit du thé à la menthe pendant que les
danseurs infatigables continuaient leurs ébats jusqu'à une heure
avancée de la nuit. (1) »
VIII. - Les Plaisirs (suite) la Cuisine
La cuisine arabe est délicieuse- Elle est régie par un
principe: n'offrir que des viandes très cuites. Les principaux
plats sont composés à l'aide du mouton, du poulet ou des pigeons.
Le mouton est servi rôti et entier: c'est le fameux méchoui qui
est exquis, et s'il est gras, garde, même en plein air vif et
frais, toute sa chaleur sous la graisse que revêt la peau
croustillante. Les poulets sont généralement servis en ragoût. Le
repas commence souvent par un potage très épicé - et par des
brochettes de foies ou de rognons grillés. Il continue par le
méchoui et les poulets présentés en divers ragoûts, puis par les
tourtes feuilletées aux amandes et aux pistaches dont les pâtes
légères comme des crêpes fines enveloppent des pigeons. Puis
vient le couscous (semoule ou riz, accompagné de légumes), enfin,
diverses pâtisseries au miel, aux amandes, aux pistaches, terminent
ces agapes pantagruéliques... et coûteuses, même en Afrique.
(Chiffrez le prix de revient d'un menu pareil à Paris, en songeant
seulement qu'il y a au moins 3 ou 4 ragoûts de poulets, et 3 à 5
poulets par ragoût).
Je trouve pour ma part que si rien n'est plus charmant que
d'accepter l'invitation à dîner que vous adresse de lui-même et
gracieusement un ami indigène, rien n'est plus odieux que de voir
le sans-gêne et la goinfrerie de certains voyageurs européens qui
s'invitent ou se font inviter par curiosité ou par gourmandise. Si
ces gens-là savaient le mépris qu'ils éveillent chez leur hôte;
j'aime à penser qu'ils sauraient mettre plus de discrétion dans
leurs procédés. Au reste jamais ce mépris n'apparaîtra dans
l'accueil de ceux qui le ressentiront. Mais pour qui est doué d'un
peu de tact, quelle différence
(1) Docteur Paul CHATINIÈRES. - Dans le Grand
Atlas marocain. Paris, Plon, 1919, in-18, p. 126 et 127.
|
|
|
|
n'y a-t-il pas entre le repas offert (presque par ordre) et le repas où l'on
vous a prié parce que l'on vous connaît déjà et que l'on vous considère
comme un ami! Que de délicieuses soirées j'ai passées ainsi à Marrakech,
à Safi, à Fez, à Rabat, à El Goléa !, Chers amis lointains, si vous
saviez combien je vous trouvais infiniment plus intéressants, plus agréables
et d'une « classe », d'un « style » de civilisation infiniment plus
élevés que la plupart des « gens du monde » avec qui je dîne à Paris, ou
que je coudoie dans les grands restaurants! Un Chinois me disait un jour: «
La France et la Chine sont deux grands pays parce qu'elles ont su toutes deux
garder en honneur une religion, une politesse et une cuisine ». Il y a
beaucoup de vrai dans ce propos d'après-dîner. Mais s'il est exact, rendons
hommage à l'Afrique du Nord qui a su garder elle aussi une religion, une
politesse et une cuisine.
Voici une chanson que cite Jérôme Tharaud (qui « s'y « connaît en cuisine
») et où l'on trouvera la liste de la plupart des plats de la cuisine arabe
« Louange à Dieu, dit la chanson,
« qui a créé les doigts pour prendre
« les bouchées dans le plat
« et les dents pour déchirer
« la viande du mouton et du poulet
« et la langue pour proclamer
« la douceur du concombre,
« des raisins et des grenades !
« Louange à Dieu, parmi les hommes libres,
« aussi bien que chez les esclaves !
« Louange à Dieu, qui nous a gratifiés
« du prince célèbre dans toutes les tribus,
« notre maître, le glorieux Kouss-kouss,
« et des crêpes trempées dans l'huile,
« et des poules farcies d'amandes,
« et du très adorable vermicelle au beurre,
« et des beignets au safran et au miel,
« et de cette pâte feuilletée garnie de fruits et d'épices indiennes,
« et du ragoût, fils des cendres,
« et de sa sueur bien-aimée,
« la sefa aux coing sucrés
« dans la viande de mouton ! (1) » (1) ] J. THARAUD. - Rabat
ou les heures marocaines. Paris, Plon, in-12, p. 178.
|
|