XI. - La Fantasia
Le grand sport arabe, celui qui réunit à la fois les attraits
de l'équitation, de la chasse et de la guerre, c'est la fantasia.
Nul n'a su la dépeindre mieux que Fromentin dans les pages
suivantes :
« Le premier départ fut magnifique; douze ou quinze cavaliers
s'élançaient en ligne. C'étaient des hommes et des chevaux
d'élite. Les chevaux avaient leurs harnais de parade; les hommes
étaient en tenue de fête, c'est-à-dire en tenue de combat:
culottes flottantes, haïks roulés en écharpes, ceinturons garnis
de cartouches et bouclés très haut sur des gilets sans manches, de
couleur éclatante. Partis ensemble ils arrivaient de front, chose
assez rare pour des Arabes, serrés botte à botte, étrier contre
étrier, droits sur la selle, les bras tendus, la bride au vent,
poussant de grands cris, faisant de grands gestes, mais dans un
aplomb si parfait, que la plupart portaient leurs fusils posés en
équilibre sur leur coiffure en forme de turban, et de leurs deux
mains libres manœuvraient soit des pistolets, soit des sabres. A
dix pas de nous, et par un mouvement qui ne peut se décrire, tous
les fusils voltigèrent au-dessus des têtes; une seconde après,
chaque homme était immobile et nous tenait en joue. Le soleil
étincela sur des armes, sur des baudriers, sur des orfèvreries; on
vit, dans un miroitement rapide, briller des étoffes des selles
brodées, des étriers et des brides d'or; ils passèrent comme la
foudre, en faisant une décharge générale qui nous couvrit de
poudre et les enveloppa de fumée blanche. Les femmes applaudirent.
Un second peloton les suivait de si près, que les fumées des armes
se confondirent, et que la seconde décharge répéta la première,
comme un écho presque instantané. Un troisième accourait sur
leurs traces, dans un nouveau tourbillon de poussière, et tous les
fusils abattus vers la terre. Il était conduit par le nègre
Kaddour, un cavalier accompli, célèbre dans la plaine où sa
jument grise a fait des miracles. Cette jument est un petit animal
efflanqué, très souple et fluet, couleur de souris, complètement
rasé, sans crinière et dont la queue tondue ressemble au fouet des
chiens courants. Des argenteries fanées, des grelots, des
amulettes. une multitude de chaînettes pendantes, la décoraient
d'une sorte de parure originale pleine de bruissements et
d'étincelles. Kaddour était en veste écarlate, en pantalon de
couleur pourpre. Il portait deux fusils, l'un sur la tête,
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