CHAPITRE PREMIER
LE DÉCOR DE LA VIE
I. - Maisons et Jardins
Le voyageur qui débarque en Afrique du Nord est dès ses premiers pas séduit
par le charme de la maison arabe. Fromentin, qui passa une année en Algérie,
d'octobre 1852 à octobre 1853, est un des auteurs que nous citerons le plus
souvent, car il est un de ceux qui surent le mieux rendre, avec un égal
bonheur par la plume et par le pinceau, tout ce qu'une sensibilité délicate
et une sympathie bienveillante peuvent découvrir de beauté en terre
d'Afrique. Voici comment il décrit la maison arabe :
" Habitées par le peuple qui les avait bâties et je pourrais dire
rêvées, ces demeures étaient une création à la fois des plus poétiques
et des plus spirituelles. Ce peuple avait su faire des prisons qui fussent des
lieux de délices, et cloîtrer ses femmes dans des couvents impénétrables
aux regards et transparents. Pour le jour, une multitude de petites
ouvertures, des jardins tendus de jasmin et de vignes; pour la nuit, des
terrasses: quoi de plus malicieux et en même temps de plus prévoyant pour la
distraction des prisonnières ? Ces maisons si bien fermées n'ont, pour ainsi
dire, pas de clôture. La campagne y pénètre en quelque sorte et les
envahit. Le sommet des arbres touche aux fenêtres; on peut, en étendant le
bras, cueillir des feuilles et des fleurs; l'odeur des orangers les enveloppe,
et l'intérieur en est tout parfumé.
" Les jardins ressemblent à des joujoux d'art destinés à l'amusement
de la femme arabe, cet être singulier dont la vie longue ou courte n'est
jamais autre chose qu'une enfance.
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