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   « Il s'accorde rarement les douceurs du café. Dès qu'il voit qu'il serait disposé à en prendre l'habitude, il s'en prive pendant plusieurs jours.
« Ses repas sont pris avec une extrême promptitude. Il a proscrit toute espèce de raffinements. Du couscoussou, de la viande bouillie et rôtie, des galettes au beurre et quelques légumes ou fruits de la saison. Pour boisson du l'ben (petit-lait aigre) ou de l'eau. (1) »
 
Il importe de rappeler ici le grand principe dont la décla­ration (la fettoua) fut obtenue par le même Léon Roches, à Kairouan, le 20 août 1841, des plus savants docteurs de l'Afrique du Nord, les ulemas et mokkaden de la Zaouïa de Tedjini. C'est en vertu de ce texte que tout bon musulman est autorisé par sa conscience et sa religion à collaborer avec nous :
 
« Quand un peuple musulman, dont le territoire a été envahi par les infidèles, les a combattus aussi longtemps qu'il a conservé l'espoir de les en chasser, et, quand il est: certain que la continuation de la guerre ne peut amener que misère, ruine et mort pour les musulmans, sans aucune chance de vaincre les infidèles, ce peuple, tout en conservant l'espoir de secouer leur joug avec l'aide de Dieu, peut accepter de vivre sous leur domination à la condition expresse qu'ils conserveront le libre exercice de leur religion et que leurs femmes et leurs filles seront respectées. (2) »
D'ailleurs, l'observation de cette autorisation fut aisée. Tout Arabe qui avait combattu contre nous, était obligé de reconnaître que nous avions conduit la guerre avec humanité. Voici à ce sujet un témoignage probant (3) :
« Nos soldats tuent uniquement les Arabes qui font usage de leurs armes; ils se contentent d'entourer et de chasser devant eux les hommes inoffensifs, les femmes, les enfants et les troupeaux, qu'ils sont même souvent obligés de défendre contre nos goums (4), beaucoup moins humains que nous à l'égard de leurs compatriotes. Tu verrais avec quels égards nos braves soldats conduisent ces

(1 Léon ROCHES. - Dix ans â travers l'Islam. 1834-1844. Paris, Perrin et t .Léon 1904, in-18, p. 66-67, 112 à 114.
(2) Léon ROCHES. - Dix ans à travers l'Islam. 1834-1844. Paris, Perrin et Cie, 1904, in-18, p. 241.
(3) Extrait d'une lettre écrite par Léon Roches à un de ses parents le 20 janvier 1844, sur les actes prétendus inhumains exercés par nos troupes au cours des razzias.
(4) Cavaliers arabes auxiliaires

       malheureux, et avec quelle sollicitude surtout ils s'occupent des enfants! Combien en avons-nous vu prendre dans leurs bras ces pauvres petits êtres affolés de terreur et parvenir à les calmer, comme aurait pu le faire la mère la plus tendre !
« Quand le triste convoi d'une ghazia arrive à notre campement, le maréchal lui-même veille à ce que femmes et enfants soient installés sous des tentes requises à cet effet . Des factionnaires empêchent qu'aucun homme ne s'en approche, à l'exception des docteurs chargés de les visiter et de désigner les malades. En outre des vivres, on met à leur disposition, pour les petits enfants, les chèvres ou vaches laitières choisies dans les troupeaux ghaziés.
« Ces troupeaux eux-mêmes sont l'objet de la préoccupation du maréchal. On reconnaît bien l'agriculteur dans la tendresse qu'il porte au bétail !
Ah! je t'assure que les jours de ghazia, ses officiers et surtout son interprète sont soumis à de rudes corvées ! mais comment nous plaindre, quand lui-même nous donne l'exemple ? Nous ne pouvons prendre ni repos, ni nourriture avant que tous nos prisonniers, hommes, femmes et enfants, soient installés et aient reçu leurs vivres, et avant que les troupeaux ne soient parqués après avoir bu. Oui, mon cher ami, nous devons nous assurer qu'ils ont bu, et ne va pas te figurer qu'il nous suffise de transmettre l'ordre que le maréchal nous a donné.
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« Je t'en supplie, mon cher ami, ne crois plus aux récits de certains journaux et aux tirades de certains philanthropes s'apitoyant sur le sort des Arabes victimes des cruautés de notre maréchal et de son armée. Certes, et je te l'ai dit maintes fois, ces Arabes sont souvent dignes de pitié, exposés qu'ils sont, en même temps, à nos attaques et à celles d'Abd el Kader. C'est pourtant dans leur bouche que je trouve la plus complète réfutation des accusations portées contre l'armée d'Afrique. Que de fois m'ont-ils dit :
« Nous trouvons auprès des chrétiens générosité et clémence, tandis que nos frères les musulmans nous ruinent et nous écrasent sans pitié. (1) »
Nous ne voudrions pas quitter cette grande figure de Bugeaud sans citer en passant un texte qui nous donne l'origine de cette tradition sur la « casquette du Père Bugeaud »,

(1) Léon ROCHES. - Dix ans à travers l'Islam. 11334-1844. Paris. Perrin et Cie. 1904. in 18. P. 449. 450 et 1 451

 
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