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« Toujours dans le Dahra, un Arabe des Ouled-Sahib accourt un jour
tout essoufflé pour me demander de voler au secours de son village.
Je l'interroge tout en mettant mon monde en route, et voilà ce
qu'il me raconte durant le trajet :
« Le village était tranquille lorsqu'il a été tout d'un coup
cerné par des Arabes, sous les ordres de Ben-Kalifa, un des
lieutenants de Bou-Maza. Cet insurgé a pénétré dans la maison du
caïd installé au nom de la France. Lui mettant le pistolet sur la
poitrine, il l'a sommé d'ordonner lui-même aux Ouled-Sahib soumis
à son autorité de venir grossir les rangs des insurgés. S'il
s'avise de donner l'alarme aux Français, il est mort.
« Le caïd n'hésite pas; il a été nommé par la France, il lui
doit sa vie. D'un coup de poing, il abat le pistolet de Ben-Kalifa,
et, courant du côté où sont ses serviteurs, il crie : « Aux
armes! Défendez-vous et courez prévenir les Français. » A
peine a-t-il prononcé ces mots, que Ben-Kalifa, revenu de sa
première surprise, se précipite sur lui et le tue. »
« Celui qui me parle n'a pas perdu une seconde; il est venu me
trouver, il va me conduire, et le village sera sauvé!
« Comment ne pas rappeler le dévouement de ce d'Assas arabe resté
ignoré en France? (1) »
Nous ne saurions terminer ce paragraphe sur la valeur militaire de
nos Africains sans élever notre pensée reconnaissante vers les
nombreux sacrifices qu'ils ont consentis pour nous. Voici la mort
d'un goumier racontée par Isabelle Eberhardt, épouse d'un
brigadier indigène de spahis combien de fois cet épisode est-il
répété pour le service de la France !
« ...Un défilé aride sous un ciel gris, entre des montagnes aux
entablements rectilignes de roches noirâtres, luisantes. Quelques
rares buissons de thuyas, de chevelures grises d'alfa. Un grand vent
lugubre glapissant, dans le silence et la solitude. La nuit était
prochaine, et le goum se hâtait, maussade, sous la pluie fine :
c'était la dure abstinence du Ramadan en _route et par un froid
glacial.
(1) Germain BAPST. - Le maréchal Canrobert.
Paris, Plon, 1899. Tome 1, in-8°, p. 438.
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