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là, qu'à défaut de droits établis, la présomption de
propriété profitait à l'État, s'en substitua une autre qui
mettait désormais l'État dans l'obligation de prouver ses droits,
la présomption de propriété profitant à l'avenir aux tribus,
dont les droits de jouissance traditionnelle étaient transformés
en un droit incommutable de propriété. On conçoit, surtout à la
lecture des textes sur les conditions dans lesquelles l'État doit
exercer la revendication de ses droits, combien ceux-ci ont dû
être souvent sacrifiés. L'équilibre juridique se trouvait rompu
au détriment de l'État; la colonisation se voyait pratiquement
impuissante à étendre le champ de son activité aux territoires
des tribus, du fait que rien n'était prévu dans la loi pour doter
la propriété melk de titres donnant toute sécurité aux
acquéreurs et que rien n'avait été fait en territoire collectif
de culture pour faire accéder l'indigène à la propriété
privée.
Les événements de 1870 vinrent placer la question de la mise en
valeur du sol algérien au premier rang des préoccupations. Sous
l'influence des penseurs qui, tel Prévost Paradol, voyaient dans
l'expansion coloniale la seule garantie de l'avenir de la France,
l'idée de l'Algérie « royaume arabe » fit place à des soucis
moins idéologiques.
Les colons installés en Algérie, les Alsaciens-Lorrains qui
devaient faire de notre Colonie leur nouvelle patrie, sollicitaient,
pour travailler à la restauration de la fortune de la France, la
matière première indispensable, dont ils avaient la volonté de
faire un instrument de richesse et de grandeur, et qui, malgré son
abondance, leur échappait pratiquement.
A ce moment, les idées d'assimilation sont en faveur. On vient d'en
faire une application dans le domaine administratif (organisation
départementale). Or, l'expérience a démontré les inconvénients
de la dualité des statuts fonciers : de là à l'idée de
substituer à l'organisation foncière en application, celle d'un
régime français moderne, le pas est vite franchi. La loi du 26
juillet 1873 vint répondre aux vœux des colons; des opérations de
vaste envergure seront entreprises, en territoire de propriété
privée (melk) comme en territoire de propriété collective (arch),
pour constater, dans le premier cas, et constituer dans le second,
la propriété individuelle, but suprême dont on attend non
seulement la transformation du sol, mais encore la transformation
des êtres. |
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Pour aller au plus pressé, l'on admet que l'acquéreur européen
d'immeubles melk n'aura pas à attendre la fin de ces vastes
opérations dites « enquêtes d'ensemble » pour débarrasser
l'objet de son acquisition de tous les droits occultes d'origine
musulmane qui pèseraient sur elle : la possibilité d'une purge
spéciale lui est offerte à cet effet par le législateur. En
territoire collectif, on ne juge pas encore venu le moment d'agir de
même : ce sera l'œuvre du législateur du 28 avril 1887. Le
Parlement n'oublie pas I'État : on lui permet, concurremment avec
le douar, en distinguant les terres de cultures des terres de
parcours, de recueillir en terre collective tout ce qui excède les
besoins largement satisfaits dés individus.
Désormais, le titre délivré francise et ce caractère devient
totalement indépendant de la qualité du possesseur; la dualité
des statuts est donc abolie. Il n'entre pas dans le cadre de cette
étude, - simple raccourci où le jeu des lois foncières n'est
envisagé qu'au point de vue des idées qui les ont inspirées, des
rapports qu'elles ont créés entre deux éléments dont les
intérêts s'affrontent, en attendant de se confondre et des
résultats concrets qu'elles ont donnés, - d'examiner dans le
détail les réformes juridiques qu'elles ont réalisées et d'en
faire la critique par le menu. Comme celles qui l'ont précédée,
comme celles qui l'ont suivie ou la suivront encore, elle a
fatalement ses imperfections.
Il est cependant probable qu'elle aurait reçu son intégrale
application, si un arrêt de la Cour de Cassation n'était venu en
1888 en sonner le glas, en mettant en doute la solidité du titre
qu'elle établissait. Les opérations en furent suspendues en 1892,
elles avaient abouti à la constitution de la propriété en terre
arch, dans 115 douars couvrant 818.897 hectares; à la constatation
de la propriété melk, dans 176 douars d'une superficie de 1.352.054
hect. Dans 21 douars comportant 223.324 hectares le travail était
achevé, mais non homologué; il était en cours dans 14 douars,
d'une superficie de 143.666 hectares. A ces résultats venaient
s'ajouter ceux de la purge spéciale et de l'enquête partielle de
la loi de I887, dont il est tenu compte dans les données
récapitulatives fournies plus loin.
Il serait hasardeux d'apprécier les résultats de la loi de 1873 au
nombre d'hectares qui ont subi son application. Du point de vue
colonisation, ces résultats ne furent entiers, juridiquement
parlant, que lorsque la loi du 16 février I897
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