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vint donner à ces titres une frappe nouvelle garantissant ses
porteurs contre tout danger né de l'existence d'un titre
antérieur.
Le législateur de 1873 avait ouvert de vastes territoires à
l'entreprenante activité des hommes de la terre, mais il n'avait
pas fait disparaître l'indivision familiale, source de procès pour
le colon moyen.
De son côté, livré aux spéculateurs et aux gens d'affaires,
l'indigène courait le risque de se voir dépouillé de son bien,
sans profit réel.
L'expérience démontra que le péril n'était pas imaginaire et
qu'il fallait un remède. Ce fut l'œuvre de la loi du 28 avril 1887
d'amender celle de 1873 dans ses diverses parties où celle-ci
s'était révélée insuffisante ou dangereuse.
On a vu plus haut comment leur action combinée fut suspendue par
l'arrêt judiciaire de I888. Tandis que les travaux de constitution
et de constatation étaient arrêtés, l'œuvre tracée par le
Sénatus-Consulte de 1863 (délimitation des douars et
détermination des groupes de propriété, suivant leur caractère
juridique), reprise par la loi de I887, se poursuivait, préface
nécessaire aux travaux d'établissement de la propriété
individuelle qu'il était indispensable de continuer suivant une
formule nouvelle à déterminer.
On considéra alors que l'on s'était peut-être un peu trop hâté
de vouloir devancer législativement l'évolution sociale d'un
peuple en pratiquant l'assimilation foncière intégrale.
Le Parlement, saisi de la question, après avoir porté ses vues sur
un projet qui réformait de fond en comble le droit immobilier de la
colonie en y introduisant le système des livres fonciers, marqua
finalement ses préférences pour un retour au synchronisme voulu
par le législateur de 1863 : francisation progressive adaptée à
l'évolution progressive de l'indigène des tribus; francisation
atténuée, dans le cas où l'application du code civil aboutit
pratiquement à des conséquences trop graves pour l'indigène.
Sous l'empire de ces préoccupations, l'enquête d'ensemble est
abolie, sauf cas exceptionnel où l'intérêt de l'État est en jeu
pour faire place à l'enquête facultative laissée à
l'appréciation du propriétaire en terre melk ou de l'occupant en
terre collective : le ministère du cadi condamné par la loi de 1887
quand la terre est francisée est toléré sous certaines
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conditions, les inconvénients des licitations abusives sont rendus
impossibles grâce à la résurrection d'une chefâa régénérée.
Trente ans d'application de cette loi ont permis de faire passer, à
la demande des intéressés, propriétaires, occupants ou
acquéreurs, plus d'un million d'hectares sous le régime français
tel qu'on vient de le définir.
Et si les débuts d'application de la loi ont pu provoquer quelque
appréhension de la part d'excellents esprits, surpris de la voir
servir d'instrument presque exclusif aux acquéreurs, une plus
longue expérience a démontré que ces craintes, d'ordre surtout
local, étaient excessives.
Les mœurs ont évolué. L'état social des indigènes, surtout
depuis la grande guerre, n'est plus celui qu'il était en I863 ou en
I873. Et le fellah du type courant - il n'est pas question du Kabyle
dont l'instinct individualiste défie l'application de la loi -
n'est pas le dernier aujourd'hui à se plaindre que « cela ne va
assez vite », en sorte que l'opinion de ses représentants s'est
trouvée d'accord avec celle des colons pour demander un retour aux
procédures d'ensemble, avec les atténuations que commandaient les
leçons de l'expérience et aussi les possibilités administratives
et financières. On en est donc revenu, d'une part, aux enquêtes
générales, mais limitées aux territoires collectifs, et, d'autre
part, soustraites au caractère impératif qu'elles présentaient
sous le régime de I873. La procédure d'ensemble relève de
l'initiative administrative, maîtresse de la déclencher là où
elle le juge opportun, ou du désir, collectivement exprimé par une
majorité d'ayants droit, de faire un pas nouveau sur le chemin de
l'évolution économique et sociale; des garanties supplémentaires
sont données aux acquéreurs de terres melk souvent victimes,
autrefois, de procédés dolosifs de la part de réclamants ou de
vendeurs âpres au gain; enfin, les indigènes bénéficient d'un
nouvel avantage - réaction contre l'esprit de la réforme de I873;
le juge dé paix devient en principe compétent, lorsqu'il s'agit
d'immeubles n'ayant qu'une faible valeur. Telles sont, dans un
raccourci forcément incomplet, les principales caractéristiques de
la loi du 4 août I926, la dernière en date dans la longue suite
des textes qui ont tendu à la solution du problème foncier.
On ne saurait dire d'elle qu'elle marque l'ultime stade des essais
et des réformes tentés dans le domaine de la politique
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