Pages précédentes CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE LIVRET 11 LA FRANCE  et LES ŒUVRES INDIGÈNES en Algérie Pages suivantes
- 106 - Table des matières - 107 -
   
   vint donner à ces titres une frappe nouvelle garantissant ses porteurs contre tout danger né de l'existence d'un titre antérieur.

Le législateur de 1873 avait ouvert de vastes territoires à l'entreprenante activité des hommes de la terre, mais il n'avait pas fait disparaître l'indivision familiale, source de procès pour le colon moyen.
 
De son côté, livré aux spéculateurs et aux gens d'affaires, l'indigène courait le risque de se voir dépouillé de son bien, sans profit réel.
 
L'expérience démontra que le péril n'était pas imaginaire et qu'il fallait un remède. Ce fut l'œuvre de la loi du 28 avril 1887 d'amender celle de 1873 dans ses diverses parties où celle-ci s'était révélée insuffisante ou dangereuse.
 
On a vu plus haut comment leur action combinée fut suspendue par l'arrêt judiciaire de I888. Tandis que les travaux de constitution et de constatation étaient arrêtés, l'œuvre tracée par le Sénatus-Consulte de 1863 (délimitation des douars et détermination des groupes de propriété, suivant leur caractère juridique), reprise par la loi de I887, se poursuivait, préface nécessaire aux travaux d'établissement de la propriété individuelle qu'il était indispensable de continuer suivant une formule nouvelle à déterminer.
On considéra alors que l'on s'était peut-être un peu trop hâté de vouloir devancer législativement l'évolution sociale d'un peuple en pratiquant l'assimilation foncière intégrale.
 
Le Parlement, saisi de la question, après avoir porté ses vues sur un projet qui réformait de fond en comble le droit immobilier de la colonie en y introduisant le système des livres fonciers, marqua finalement ses préférences pour un retour au synchronisme voulu par le législateur de 1863 : francisation progressive adaptée à l'évolution progressive de l'indigène des tribus; francisation atténuée, dans le cas où l'application du code civil aboutit pratiquement à des conséquences trop graves pour l'indigène.
Sous l'empire de ces préoccupations, l'enquête d'ensemble est abolie, sauf cas exceptionnel où l'intérêt de l'État est en jeu pour faire place à l'enquête facultative laissée à l'appréciation du propriétaire en terre melk ou de l'occupant en terre collective : le ministère du cadi condamné par la loi de 1887 quand la terre est francisée est toléré sous certaines

       conditions, les inconvénients des licitations abusives sont rendus impossibles grâce à la résurrection d'une chefâa régénérée.
 
Trente ans d'application de cette loi ont permis de faire passer, à la demande des intéressés, propriétaires, occupants ou acquéreurs, plus d'un million d'hectares sous le régime français tel qu'on vient de le définir.
 
Et si les débuts d'application de la loi ont pu provoquer quelque appréhension de la part d'excellents esprits, surpris de la voir servir d'instrument presque exclusif aux acquéreurs, une plus longue expérience a démontré que ces craintes, d'ordre surtout local, étaient excessives.
 
Les mœurs ont évolué. L'état social des indigènes, surtout depuis la grande guerre, n'est plus celui qu'il était en I863 ou en I873. Et le fellah du type courant - il n'est pas question du Kabyle dont l'instinct individualiste défie l'application de la loi - n'est pas le dernier aujourd'hui à se plaindre que « cela ne va assez vite », en sorte que l'opinion de ses représentants s'est trouvée d'accord avec celle des colons pour demander un retour aux procédures d'ensemble, avec les atténuations que commandaient les leçons de l'expérience et aussi les possibilités administratives et financières. On en est donc revenu, d'une part, aux enquêtes générales, mais limitées aux territoires collectifs, et, d'autre part, soustraites au caractère impératif qu'elles présentaient sous le régime de I873. La procédure d'ensemble relève de l'initiative administrative, maîtresse de la déclencher là où elle le juge opportun, ou du désir, collectivement exprimé par une majorité d'ayants droit, de faire un pas nouveau sur le chemin de l'évolution économique et sociale; des garanties supplémentaires sont données aux acquéreurs de terres melk souvent victimes, autrefois, de procédés dolosifs de la part de réclamants ou de vendeurs âpres au gain; enfin, les indigènes bénéficient d'un nouvel avantage - réaction contre l'esprit de la réforme de I873; le juge dé paix devient en principe compétent, lorsqu'il s'agit d'immeubles n'ayant qu'une faible valeur. Telles sont, dans un raccourci forcément incomplet, les principales caractéristiques de la loi du 4 août I926, la dernière en date dans la longue suite des textes qui ont tendu à la solution du problème foncier.
 
On ne saurait dire d'elle qu'elle marque l'ultime stade des essais et des réformes tentés dans le domaine de la politique
 
Pages précédentes   Table des matières   Pages suivantes